Le bras de fer initié par les autorités marocaines avec l’UE a porté ses fruits, pourrait-on dire. La Commission européenne à l’agriculture a finalement accepté d’inclure la tomate cerise chérifienne dans la liste des produits dont le calcul de la valeur forfaitaire d'importation sera modifié. L’annonce a été faite vendredi dernier par Roger Waite, le porte-parole du Commissaire européen à l'agriculture, Dacian Ciolos, précisant que le compromis a été finalisé lors d’un entretien téléphonique entre ce dernier et le ministre marocain de tutelle, Aziz Akhannouch, rapporte le site spécialisé LaFranceAgricole.fr.
Il faut dire que jusqu’ici, la tomate cerise n’était pas prise en compte dans l’accord agricole qui ne concernait que les tomates rondes. Et c'est justement à ce niveau que le compromis prend tout son sens. D’après les explications de Roger Waite, cette mesure «limitera les surtaxes susceptibles d’être imposées aux exportateurs marocains», dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC). Et le produit est bien choisi, puisque la tomate cerise marocaine dispose d’une forte valeur ajoutée et ses exportations sur le marché de l’Union ont considérablement augmenté, passant de 300 tonnes par an il y a 15 ans à 70 000 tonnes actuellement, sur un total de 350 000 tonnes de tomates.
Rappelons qu’après la réforme de la PAC par l’UE, le Maroc avait dénoncé une décision unilatérale alors que l’article 20 de l’accord agricole bilatéral stipule que la partie qui souhaite changer sa politique en informe à l’avance le comité d’association. Et la mesure était d’autant plus inacceptable pour le Maroc qu’elle relevait considérablement (via des surtaxes) le prix d’entrée des produits agricoles d’origine hors UE, dont ceux venant Maroc.
L’UE faisant la sourde oreille à ces plaintes, Rabat avait décidé de jouer sur l’accord de pêche en bloquant son entrée en vigueur, même si les autorités ne l’ont jamais ainsi avoué. La pression des Espagnols, grands bénéficiaires du protocole de pêche et l’inflexibilité du Maroc a conduit l’UE, il y a deux semaines, à accepter de réajuster le prix d’entrée des produits comme la fraise, l’ail ou le concombre, mettant de côté la tomate, pourtant produit phare du royaume. Insatisfaits, les professionnels marocains sont montés au créneau, menaçant de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec l’intention de mettre en avant la violation des clauses de l’accord bilatéral.
Soulagement pour les pêcheurs espagnols, les agriculteurs veulent convaincre Bruxelles de revenir sur sa décision
Ce fléchissement de Bruxelles tombe à point nommé pour les pêcheurs espagnols qui avaient compris que Rabat bloquait l’entrée en vigueur de l’accord de pêche pour se faire entendre sur la tomate.
Mais du côté des agriculteurs ibériques, la pilule a du mal à passer. Ils avançaient déjà la semaine dernière qu’une concession de l’UE en faveur du Maroc serait «détruire l’esprit de la réforme» de la PAC. Actuellement à Madrid, les représentants du secteur horticole espagnol préparent une réunion censée avoir lieu avec le secrétaire général de l'agriculture, Carlos Cabanas. Leur objectif, convaincre Bruxelles de revenir sur sa décision en faveur de la tomate marocaine. Mais il apparait clairement que c’est peine perdue.
Le Maroc ne s’est pas encore officiellement exprimé après la décision rendue par Bruxelles. Mais il est clair que les professionnels marocains, qui avaient réalisé de gros investissements avec l’adoption de l’accord agricole, sortiront satisfait.