"Dans beaucoup de pays, tels que l’Égypte, la Jordanie ou le Maroc, la part de la classe moyenne dans la richesse sociale est plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’était durant les années 1960, et la position relative de la classe moyenne ne s’est pas améliorée depuis les années 1990, alors même que la croissance pendant au moins une dizaine d’années était nettement supérieure à celle observée aujourd’hui", a annoncé la directrice du FMI, Christine Lagarde, lors de sa conférence devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), jeudi 8 mai, à Rabat. Selon ses termes la richesse produite a été "capturée" avant de bénéficier à cette classe moyenne.
L'émergence d'une véritable classe moyenne est considérée comme l'un des éléments centraux du développement économique de ce que la directrice du FMI appelle les "pays arabes en transition" en référence aux révolutions du printemps 2011. Lors de cette conférence elle a présenté les objectifs de la prochaine étape de cette "transition" : renforcer la classe moyenne et les PME.
"Les pays arabes en transition ont une croissance moyenne de 3%, même si je sais que le Maroc conserve une croissance supérieure. Il faut doubler ce chiffre dans un délai rapide", a indiqué Christine Lagarde sur un ton impératif. Le Maroc souffre d'une croissance en dents de scie en raison de la dépendance de son économie à la pluviométrie annuelle, mais, sur les 11 dernières années il enregistre un taux de croissance de 4,6%.
De l'informel au formel
Pour parvenir à ces 6% de croissance, les gouvernants doivent, selon le FMI, investir leurs efforts auprès des petites et moyennes entreprises voire dans les très petites entreprises qu'il faut faire passer du secteur informel vers le secteur formel. "Si on compare cette région à l'Europe centrale, relativement proche par son niveau de développement, on observe que le nombre de PME est inférieur de moitié dans le monde arabe", regrette Christine Lagarde. En fait, le FMI ne mise pas sur les grandes entreprises de la région parce qu'"elles sont assez protégées de la concurrence par leurs connectivité [réseaux, ndlr] voire leur situation de monopole. Leur propension à innover est beaucoup plus faible. Elles ne sont donc pas des championnes de l'exportation", estime Christine Lagarde.
La directrice du FMI n'a fait aucune référence à la décision de l'Union européenne dans la réforme de la Politique agricole commune. Cette dernière va modifier le système de prix minimal d'entrée sur le marché. Et cela a provoqué la colère dans les rangs du gouvernement marocain et des exportateurs d'agrumes et de tomates qui craignent de ne plus pouvoir vendre leur production sur le marché européen.
6 points de PIB sous les pieds des femmes
Cette conférence a été l'occasion pour le FMI de reprendre sa bataille contre les régimes de subventions publiques aux produits de première nécessité. "Il faut moins de subventions générales et aveugles, notamment les subventions énergétiques aux effets pervers. Il faut leur préférer une augmentation des dépenses consacrées à la santé, à l’éducation, aux dispositifs de protection sociale ciblés", a-t-elle martelé.
Christine Lagarde a également rappelé que la faible participation des femmes à l'économie des pays arabes en transition était un lourd handicap. "Durant la dernière décennie, l’écart entre la participation des hommes et celle des femmes à la population active dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord était près du triple de l’écart moyen observé dans les pays émergents et en développement. Si au lieu du triple, l’écart avait été du double, l’économie de la région aurait produit 1 000 milliards de dollars de plus, soit un gain annuel de près de 6 points de PIB."