La Banque mondiale vient de publier une étude sur le capitalisme clientéliste en Tunisie sous l'ère Ben Ali "All in the familiy : state capture in Tunisia". Selon elle, les Trabelsi possédaient 220 entreprises qui représentaient moins de 1% des emplois mais capturaient 21% de l'ensemble des bénéfices du secteur privé en Tunisie. "Le régime de Ben Ali a été très efficace pour contrôler l'information et restreindre l'accès aux données. Il a donné avec succès l'image d'une économie moderne, ouverte aux investisseurs étrangers et dont le développement avait lieu uniformément dans tout le pays. Nous avons également souscrit à l'image positive du pays dépeint par Ben Ali", reconnait la Banque mondiale, dans un timide mea culpa.
Volontaire, elle prévoit de réaliser une étude similaire pour le régime déchu de Moubarak en Egypte inclue dans un rapport plus vaste sur les défis économiques de la région MENA. Le rapport régional devrait ressembler à l'étude "From Privilege to Competition: Unlocking Private-Led growth in the Middle East and North Africa", déjà parue en 2010, dans laquelle la Banque mondiale mesurait plus le degré d'ouverture des marchés nationaux que la prédation économique des élites dirigeantes.
Trop peu d'informations au Maroc ?
Le Maroc aura-t-il droit à la même analyse sur la prédation économique de sa classe dirigeante que la Tunisie et l'Egypte ? Interrogés par nos soins, Antonio Nucifora, économiste à la Banque centrale, co-auteur de l'étude sur la Tunisie, botte en touche. "Le rapport sera un rapport régional, mais l'analyse portant sur le clientélisme se concentrera spécifiquement sur les pays pour lesquels nous disposons de données pour effectuer ce type de travail", répond-t-il simplement. Puis précise : non le clientélisme au Maroc ne sera pas étudié faute d'informations équivalentes à celles parvenues à la Banque sur la Tunisie.
Pourtant, en 2010, le magazine Forbes, était bien parvenu à évaluer la fortune du roi Mohammed VI à 20,25 milliards de dirhams et à préciser qu'elle s'était accrue de 8,1 milliards de dirhams au cours de l'année 2010 seulement. Le budget du palais royal, augmenté de 8,7 millions de dirhams par le gouvernement Benkirane en 2014, est également connu et s'établit à 2,58 milliards de dirhams. Les propriétés, les entreprises du roi et de sa famille ne sont certes pas toutes connues, mais un grand nombre d'informations sont accessibles.
"Nous avons nos propres Trabelsi"
Différents journalistes les ont trouvées suffisantes pour accuser le roi et ses proches d'exercer une forme de prédation économique sur le Maroc à plusieurs reprises dans leurs livres. Eric Laurent et Catherine Graciet, ont publié "Le roi prédateur" en 2012. La même année Ali Amar et Jean-Pierre Turquoi ont publié "Paris-Marrakech : Luxe, pouvoir et réseaux".
En 2011, deux grandes fortunes privées marocaines s'étaient mêmes élevées, dans le contexte de ces mêmes révolutions arabes contre le clientélisme au Maroc, sans pour autant pointer du doigt la monarchie. «Une poignée de gens [monopolisent] les affaires économiques dans le pays», avait affirmé Anas Sefrioui, propriétaire du groupe Addoha. "Nous avons nos propres Trabelsi, ce sont tous ceux qui s’offrent terrains et foncier à des prix symboliques», avait également soutenu Miloud Chaabi, patron du groupe éponyme et autodidactes. «Vous savez, quand j’étais président de la FNIH, je ne cessais de rappeler à certains opérateurs qu’il est anormal qu’ils bénéficient d’avantages fonciers et facilités administratives, notamment les autorisations que les autres peinent à décrocher !», expliquait-il en 2011.