Maroc : Après le Bac en français, bientôt un Bac en espagnol

Le ministère marocain de l’Education nationale prévoit le lancement dès l’an prochain du baccalauréat international option espagnol (BIOE). Selon l’agence de presse EFE, la décision a été prise à l’issue d’une récente rencontre entre le ministre de l’Education, Rachid Belmoktar, et l’ambassadeur d’Espagne au Maroc, José De Carvajal. D’après la même source, ce baccalauréat sera d’abord mis en place dans les villes du royaume où l’institut Cervantès est déjà représenté. Il s’agit notamment de Rabat, Casablanca, Tanger, Tétouan, Larache et Nador. La généralisation se fera progressivement.

Cette mesure «vient renforcer la politique du ministère visant à diversifier l’offre en matière de baccalauréat international en intégrant toutes les langues étrangères adoptées dans le curriculum marocain», indique un communiqué du ministère. Les responsables marocains et espagnols affineront davantage le projet au cours de la prochaine réunion de haut niveau prévue en mai prochain à Madrid.

Aveu d’échec de l’arabisation ?

Le ministère ne s’arrête donc pas. Moins de deux mois après avoir annoncé la généralisation – dès la rentrée prochaine – du baccalauréat international option français (BIOF), il lance celui en Espagnol. Et selon Aujourd’hui.ma, Rachid Belmoktar envisagerait déjà le lancement d’un baccalauréat en anglais. Cette réforme du système scolaire par l’internationalisation, ne signifierait-elle pas un demi-aveu d’échec de l’arabisation ?

Le rêve du PJD, c’est que la langue arabe soit prépondérante dans toutes les sphères de la société marocaine et encore plus dans l’éducation. Le parti au pouvoir a longtemps défendu le bien-fondé de l’arabisation, mais le nouveau ministre de l’Education semble rompre avec cette vision. Et les élus du parti de la Lampe n’ont pas manqué de souligner leur inquiétude pour les langues nationales après la généralisation du bac en français récemment annoncée par Rachid Belmoktar. Ils comptent dissuader le ministère, mais la mission semble quasi-impossible, puisque le discours du roi du 20 août montrait bien que le souverain comptait se charger personnellement du dossier de l’enseignement. Et la nomination d’un proche du palais au ministère de l’Education n’est certainement pas un hasard.

Le Bac international «donne plus de chances de réussite aux riches»

Mais pour les Marocains, l’internationalisation du baccalauréat ne fait pas toujours l'unanimité. Si certains l'acclament sur les réseaux sociaux, d'autres estiment que ce n'est pas la solution miracle aux problèmes de l’éducation nationale. La mesure est même parfois considérée comme un «avortement pédagogique».

«Premièrement, 90% des bacheliers ne maîtrisent même pas le Français, il faudrait peut-être commencer par régler ce problème déjà. Deuxièmement, et c'est ce qui est le plus urgent, il faudrait peut-être songer à reformer l'examen du baccalauréat, qui n'est absolument pas juste, et qui donne aux plus aisés, plus de chances de réussir. (Comprenez le système de notation du contrôle continu)...», s’indigne Houssam.

Pour Fati, les autorités devraient d’abord «essayer de régler les problèmes actuels de l’enseignement avant de réfléchir au bac espagnol». Elle préconise en premier lieu le renforcement de la langue française pour donner la chance aux «élèves pauvres qui passent 11ans à étudier en arabes pour être contraint de poursuivre leurs études supérieurs en langue française».

Mehdi estime pour sa part que la «qualité de l'enseignement qui doit être revue depuis le primaire jusqu'à université, en privilégiant une orientation se basant sur les vocations et talents tout en répondant aux besoins futur du pays». «Tant que le Maroc n'a pas de vision à long terme, les réformes et changements ne serviront à rien d'autre que de générer des chômeurs», juge-t-il. Et ceux qui pensent comme lui sont nombreux.  «Une fois qu’on a la base, on sera capable de continuer nos études partout dans le monde», relève Fatima.

La nécessité d'une stratégie qui permette «l'épanouissement» de tous les lycéens

Dans une tribune publiée sur le sujet, Abderrahmane Lahlou - expert en éducation auprès du Groupe Banque Mondiale et expert agréé auprès de la BID – a salué l'initiative du baccalauréat international au Maroc. «L’éducation internationale n’est pas le dévoiement de nos valeurs éducatives ni la dévalorisation du système éducatif national», explique-t-il, soulignant que cela ouvrira de nombreuses portes aux lauréats marocains, en raison – entre autres - de la présence de ce bac dans 147 pays dans le monde. Il a cependant relevé qu'il est important de mettre en place une «stratégie globale et cohérente» qui permettrait «l'épanouissement» de tous les lycéens.