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Grand Angle

Nouvelles lois sur l’Immigration, la Traite et l’Asile au Maroc : Première ébauche

Dans le cadre de la nouvelle politique migratoire marocaine, le ministère chargé des affaires de la Migration a rendu publiques ce vendredi, trois notes de synthèse concernant les avant-projets de lois sur la remise à niveau du cadre juridique concernant l’immigration, l’asile et la traite des êtres humains.

Publié
(DR/AFP)
Temps de lecture: 4'

«Les avants projets de lois ne sont toujours pas publiés», regrette Eric William, membre de l’association de migrants ALECMA, en sortant de la 3e réunion avec la société civile organisée par le ministère des MRE et des affaires de la Migration, jeudi 27 mars, à Rabat. «La DIDH nous avait indiqué que la loi serait présentée en avril au parlement», rappelle pourtant Marc Fawe, responsable des affaires extérieures au HCR Rabat. A défaut d’avant-projets complets, le ministère a rendu publiques ce matin, vendredi 28 mars, des notes de synthèse sur les trois avant-projets de lois sur la migration, la traite et l’asile sur lesquels travaillent une sous-commission coordonnée par la Délégation interministérielle des droits de l’homme (DIDH).

La loi sur l’asile est manifestement la plus aboutie des trois. Le ministère y dresse les grands droits dont devront bénéficier les étrangers qui fuient un danger dans leur pays d’origine. Pour les réfugiés, seront inscrits dans la loi «le droit au séjour, au regroupement familial, et le droit d’exercer une activité professionnelle», stipule la note de synthèse. Pour les demandeurs d’asile seront reconnus les droits «d’être informé de ses droits tout au long de la procédure, un droit au séjour le temps de la procédure, de disposer d’un interprète pour l’audition, la possibilité d’avoir un avocat.» La loi devrait également offrir une protection subsidiaire pour «les personnes, qui ne pouvant bénéficier du statut de réfugié, mais pour autant ne peuvent être renvoyées que ce soit vers leur pays d’origine ou un autre pays où leur vie ou leur intégrité corporelle seraient menacées.»

Le Maroc intègre la "protection temporaire"

«Dans cette note de synthèse, nous avons confirmation que le Maroc a l’intention d’intégrer la protection temporaire en cas d’afflux massif de migrants et c’est plutôt une bonne nouvelle. C’est quelque chose qui existe dans les pays européens mais rarement en dehors», souligne Marc Fawe, responsable des Affaires extérieurs au HCR Rabat. Stéphane Julinet, chargé de programme droit des étrangers et plaidoyers au Gadem, s’inquiète au contraire de voir ce premier exposé de la loi trop inspiré par le modèle législatif européen alors que «depuis 20 ans, l’Europe n’a cessé de mettre des obstacles législatifs et administratifs pour limiter le droit d’asile sans toucher aux principes», ajoute-t-il.

Pour le HCR, le projet de loi sur l’asile dessinée par ce premier document «n’a pas été fait a minima. Il n’est pas non plus trop ambitieux. Il est plutôt correct au regard du contexte marocain». Par contre, certains aspects évoqués dans les discussions entre Jean-François Durieux, ancien officier de protection et cadre-dirigeant au HCR en janvier et février avec la sous-commission ne sont pas abordés ici. «Les discussion avaient intégré la possibilité de demander l’asile aux frontières, et elle n’est pas présente aujourd’hui dans cette note de synthèse. Ceci étant, cela ne veut rien dire puisqu’elle n’est pas exhaustive», précise Marc Fawe.

Critique de la loi 02.03

Les grands principes des droits de l’homme et du droit international devraient également être présents dans la loi sur l’immigration qui remplacera la très décriée loi 02.03. «L’examen de la loi actuelle sur l’immigration a permis de révéler un certain nombre de lacunes et de limites», reconnait le ministère dans sa note de synthèse. Il souligne notamment la «dominance de l’aspect répressif et procédural».

Sur le contenu de la prochaine loi, il reste toutefois très vague. «Les discussions [...] ont permis de formuler les propositions suivantes : [...] Définition des droits substantiels et procéduraux», indique par exemple le ministère sans plus de détails sur les droits en question. «Il faut que les droits des migrants soient pleinement détaillés dans cette loi, même si ce n’est pas forcément leur place parce qu’aujourd’hui au Maroc, pour les migrants, tout ce qui n’est pas explicitement autorisé, est interdit. C’est le cas avec l’accès au RAMED, par exemple, qu’ils se voient refusé au prétexte qu’ils n’ont pas de papier», estime Stéphane Julinet.

Dans la note de synthèse concernant le projet de loi sur la traite des personnes, dont les migrants, le gouvernement affirme notamment son intention de protéger les victimes de la traite en plus de poursuivre ses auteurs. «L’identification des victimes de la traite, leur fournir une protection et une assistance pour leur réinsertion dans la société» sont autant de notions qui devrait intégrer la prochaine loi, selon la note.

Trop flou

Au-delà des déclarations d’intention, ces trois notes ont cependant en commun de procéder plus de la déclaration d’intention que d’un avant-projet de loi. «Il faut bien avoir conscience que sans avoir le véritable avant-projet il est très difficile de juger car dans le droit, un mot, une virgule peut changer tout le contenu d’un article», conclut Marc Fawe. «Les explications données sur les lois sont encore trop générales. Le ministère des MRE nous demande d’apporter nos contributions. Nous ne demandons qu’à les donner, mais nous avons besoin de concret, du texte de l’avant-projet de loi pour appuyer nos recommandations», insiste Stéphane Julinet.

«Le processus d’élaboration d’un projet de loi est toujours très long. Jusqu’ici, le ministère des MRE n’était occupé qu’à la question des MRE, il mettra nécessairement du temps à cerner totalement la nouvelle compétence qui lui a été donnée», avait tenté de temporiser Driss El Yazami, secrétaire général du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), jeudi 20 mars, pour calmer l’impatience des associations de défense des droits des migrants. L’échéance d’avril pour le dépôt des projets de lois devant le parlement ne paraît plus du tout d’actualité.

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