Les commentaires des membres de Yabiladi.com sur les articles traitant l’actualité des réfugiés syriens au Maroc, ainsi que certaines hypothèses émises par certains organes de presse (Akhbar al Yaoum, Assabah) ou des intellectuels comme l’écrivain Driss Jaydane, ne semblent pas résister aux faits et aux arguments dictés par la raison.
1. Ils sont chiites et font du prosélytisme religieux au Maroc, pays de rite malékite, donc sunnite et qui a une aversion au chiisme.
Faux. Il n'y a que 16% de chiites en Syrie, dont une très grande majorité fait partie de l'élite au pouvoir : les Alaouites. Il y a donc très peu de chance pour que les réfugiés soient issus de la classe dominante en Syrie, protégée par Bachar Assad.
2. Les réfugiés font de la propagande politique, voire même sont des agents salafistes pour recruter dans les mosquées du Maroc, des candidats pour le jihad en Syrie.
Peu probable. Tout d’abord il s’agit avant tout de familles, avec enfants et femmes enceintes. Difficile de mener une mission secrète de cette importance dans un pays étranger avec sa femme et ses enfants à côté.
Ensuite, le recrutement pour le jihad en Syrie n’a pas besoin de Syriens puisqu’il s’effectue au Maroc par le biais des mouvements salafistes actifs depuis de nombreuses années déjà.
Enfin, si ce fait était avéré, ce n’est pas le ministère des Habous qui aurait été sur le front de la communication mais le ministère de l’Intérieur avec l’activation des services de la DST. D’ailleurs, les autorités ne préviennent pas par voie de communiqué de presse, lorsqu’il y a une menace de ce type qui plus est, aussi clairement identifiée.
3. Ce sont des mendiants qui importunent les fidèles dans les mosquées, ou des migrants irréguliers qu’il faut naturellement chasser.
Possible, mais cela n’explique pas la réaction aussi disproportionnée des autorités avec communiqués de presse menaçants et expulsion rapide. Ce ne sont pas les quelques mendiants syriens (il y a en environ 2000 syriens au Maroc dont environ la moitié qui a obtenu le statut de réfugiés), qui vont créer cette crispation des autorités. Concernant les migrants irréguliers, les Syriens ne sont qu’une goutte d’eau face à d’autres nationalités.
La piste la plus probable
Face au silence des autorités marocaines suite à l’expulsion, lundi 24 mars, des 15 réfugiés syriens vers Istanbul (6 autres sont en attente), il est difficile de trouver une explication claire à cette évolution soudaine de la politique marocaine. Il faut probablement lier ce changement de cap aux derniers événements violents qui ont mis en difficulté les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. En plus des assauts des migrants d’Afrique subsaharienne, devenu ingérables par les forces de sécurités marocaines et espagnoles, vient s’ajouter un nombre de plus en plus important de réfugiés syriens qui tentent soit un passage en force, soit utilisent de faux passeports marocains.
Le Maroc, comme l’Espagne ne souhaite pas gérer en plus de la filière d’immigration irrégulière subsaharienne, une nouvelle d’origine syrienne, sachant que l’Algérie voisine, compte plusieurs dizaines de milliers de réfugiés syriens. Pour éviter cet appel d’air, le Maroc semble envoyer un signal clair et direct aux réfugiés syriens : le Maroc ne jouera pas le rôle de porte pour passer en Espagne.