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Grand Angle

Maroc : Gros cafouillage autour des promesses de création d’emplois du gouvernement

Une information gênante pour l’Exécutif circule dans la presse depuis deux semaines. Il s’agit d’un objectif de création de 250 000 emplois chaque année d’ici 2016, visant à réduire le taux de chômage à 7%. Un taux que le gouvernement aurait promis dans la feuille de route de ses 30 mois de mandat restant. Le ministre de l’Emploi et le porte-parole du gouvernement ont très vite réagi pour démententir l’information, mais de grands points d’interrogations subsistent. Décryptage.

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Depuis quelques temps, le gouvernement prépare sa feuille de route pour les 30 mois de mandat qu’il lui reste. Celle-ci, s’inscrivant dans la continuité de ce qui s’est fait jusqu’à présent, prévoirait de ramener le taux de chômage à 7% en 2016, contre 9,1% actuellement, a récemment révélé La Vie Eco. «L’on a même avancé, officieusement, un chiffre de 250 000 postes de travail créé chaque année d’ici cette date», ajoute la même source. D’après l'hebdomadaire économique, cette proposition émane du PPS chargé du volet social de la feuille de route gouvernementale.

Ainsi depuis deux semaines environ, ces chiffres circulent, suscitant des critiques, vu leur caractère irréalisable. Surtout que personne n’a oublié, le gouvernement El Fassi s’était fixé le même objectif sans pouvoir l’atteindre. Entre 2007 et 2011 en effet, il n’avait pu créer que 116 000 emplois. Son mandat avait certes été écourté d’un an, en raison des élections législatives anticipées, mais comme l’a souligné le journaliste de La Vie Eco, le gouvernement El Fassi n’aurait pas pu atteindre les 250 000 emplois en 2012, en raison la conjoncture qui prévalait. D’ailleurs cette année-là, seuls 1000 emplois ont été créé.

250 000 emplois créés chaque année, «Il ne faut pas mentir au peuple»

Ces analyses et critiques ont suscité des réactions tour à tour de certains membres du gouvernement, qui sont intervenus pour apaiser la tempête. «Le gouvernement n’est pas en mesure d’assurer 250.000 postes d’emploi. Il ne faut pas mentir au peuple», a déclaré le ministre de l’Emploi, Abdeslam Seddiki, à l’inauguration de la Semaine de l'étudiant organisée à la faculté des sciences de l'éducation, rapporte Al Ahdath Al Maghribiya mardi 11 mars.

Le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi a, pour sa part, réagi dans une chronique publiée dans l’édition de ce vendredi 14 mars de La Vie Eco. «Le gouvernement actuel ne s’est jamais fixé un tel objectif, que nous estimons d’ailleurs irréaliste», indique-t-il, soulignant qu’il partage l’analyse faite par l’hebdomadaire économique sur le sujet.

Remarquant que «l’économie marocaine n’a pu créer que moins de 30 000 emplois» ces dix dernières décennies, Mustapha El Khalfi note qu’atteindre les 250 000 emplois par an, suppose un taux de croissance annuel de 8 à 9%. Lequel est actuellement de 4% seulement. Cela «parait, à l’évidence, difficile, voire impossible dans la conjoncture économique actuelle», signale-t-il.

Ces données auraient donc été attribuées à tort au gouvernement. Mais qu’a-t-il réellement prévu ? M. Khalfi, sans toutefois évoquer clairement les prévisions chiffrées de l’Exécutif, revient aussi sur l’engagement de l’Etat à réduire le chômage, via - entre autres – «le renforcement du cadre institutionnel de la politique de l’emploi […], ainsi que le développement du système de formation pour le rendre plus souple, réactif et suffisamment ancré dans le milieu professionnel». Soulignant que l’emploi est «l’une des principales priorités du programme gouvernemental», il rappelle que la stratégie nationale de l’emploi est en cours d’élaboration.

La réduction du chômage chiffrée, la création d’emplois non chiffrée. Que faut-il comprendre ?

Une réponse bien diplomatique. Le porte-parole du gouvernement ne donne donc aucun chiffre sur les prévisions de l’Etat en termes de création d’emplois, ni de réduction du chômage. Mais sur le site du PJD, un article publié ce vendredi matin évoque clairement la volonté de l’Exécutif de «réduire de 2 points» le taux de chômage. Cela se ferait grâce à la nouvelle stratégie actuellement en cours d’élaboration, dans lequel l’Anapec joue un rôle majeur et qu’ «Abdelilah Benkirane présentera en avril» devant les élus, précise-t-on.

Visiblement, cet objectif a bel et bien été revu. A la conférence internationale de Marrakech en octobre dernier, le ministre de l’Emploi relevait que le gouvernement s’était engagé, dans sa déclaration sur la réduction du taux de chômage, à le ramener à 8% d’ici 2016, selon la MAP. M. Seddiki devait certainement reprendre les données du programme du gouvernement Benkirane I, qui prévoyait - tel que présenté par le premier au Parlement en janvier 2012 - de réduire à 8% le taux de chômage en créant progressivement 150 000 à 200 000 emplois chaque année.

Par ailleurs, les chiffres contestés aujourd’hui par l’Exécutif ne sortent pas de nulle part. Pour mémoire, lors des législatives 2011, le PJD avait promis de réduire le taux de chômage à 7% en créant 250 000 nouveaux emplois chaque année. C’était également, à l’époque, une promesse du PPS. Il n'a donc fait que ressortir les vieilles cartes du tiroir. 

Il ressort de tout ceci que les objectifs du gouvernement manquent de clarté et à la moindre proposition ou critique, les données changent, sans parfois garder de la cohérence. A en croire les informations publiées sur le site du PJD, l'Exécutif a pris en compte la proposition du PPS de réduire le chômage à 7% pour sa feuille de route. Mais pour éviter d'être remis en cause, Rabat s’interdit-il d’avancer des chiffres sur les prévisions de création d’emplois ? 

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