Les repas halals servis en prison ne vont pas à l’encontre de la laïcité. C’est ce qui ressort du dernier rapport annuel, établi par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) Jean-Marie Delarue, rendu public ce mardi. Il y dresse un aperçu de la situation dans les établissements pénitentiaires, les centres éducatifs fermés, les locaux de garde à vue, entre autres, consacrant aussi un chapitre à la question des menus halals dans ces derniers.
Jean-Marie Delarue dans son rapport, commence d’abord par énoncer quelques arguments qui pourraient être opposés à la mise en place de repas confessionnels dans les prisons. «Satisfaire une telle demande serait, d’une part, entrer dans la vie personnelle tout autant qu’abandonner une posture de neutralité à l’égard des autres personnes privées de liberté. La confection d’un plat ‘religieux’ serait, d’autre part, en elle-même, une entorse à la laïcité ; la cuisine servie par un service public ne devrait être, en quelque sorte, revêtue d’aucune portée religieuse», écrit-il par exemple.
La loi du 9 décembre 1905
Mais ce dernier n’est pas du même avis. «Cet argument de principe ne saurait tenir, dès lors que des exceptions sont prévues dès la loi du 9 décembre 1905 et que le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires prévoit que l’alimentation reçue par les personnes détenues répond, ‘aux règles…, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques et religieuses’», souligne-t-il par la suite.
Selon Jean-Marie Delarue, c’est ce que «les autorités font d’ores et déjà». «Dans la plupart des lieux privatifs de liberté, est servie de la cuisine sans porc. Il s’agit là d’une simple abstention, mais l’intention est bien de donner une réponse à des interdits de nature religieuse. Il n’y pas de différence, dans la considération du principe de laïcité, à ne pas servir de viande de porc, et à servir de la viande d’animaux abattus selon des formes prévues par une religion», poursuit le document.
Pas d’opposition
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté conclut ainsi que «le principe de laïcité ne s’oppose nullement, tout au contraire, sauf discrimination fondée sur l’origine religieuse, à la confection ou à la distribution d’aliments confessionnels dans les lieux privatifs de liberté». Il précise, toutefois, que chaque administration peut s’opposer à ses instructions, mais à conditions.
«Des motifs tirés du bon ordre de ces lieux, en particulier dans les petits établissements et ceux où la vie collective est développée, peuvent être invoqués à bon droit par l’administration pour s’opposer à ces prescriptions. Mais ces oppositions, qui devraient être justifiées par des circonstances précises, doivent être l’exception plutôt que la règle», explique Jean-Marie Delarue.
Ce dernier a, par ailleurs, affirmé que servir des repas halals ou cashers n’induisait pas des coûts supplémentaires ou des difficultés de gestion aux directions concernées.
Ce rapport intervient quelques mois seulement après qu’un tribunal administratif de Grenoble ait enjoint le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère, de servir des repas halals à ses détenus musulmans. Dans sa décision, prononcée en novembre dernier, celui-ci soulignait que le principe de la laïcité signifiait que la République doit garantir «le libre exercice des cultes».