Loin d’être une décision choquante ou affligeante, elle est devenue anodine et tout à fait acceptée. Il est de coutume de se dire qu’ils sont partis pour vivre avec un salaire bien plus élevé qu’ici, ce qui est vrai. Ou tout simplement parce qu’ils trouveront plus d’opportunités de travail là-bas, ce qui est le cas aussi.
Mais ce qu’on oublie trop souvent de dire, c’est que ces jeunes émigrent en grande partie à contre cœur. C’est parce qu’ils ont essayé de donner une chance à leur pays, qui ne leur a presque rien donné en retour. Ces jeunes avaient peut-être de trop grands rêves et pouvaient donc menacer le statu quo existant. Ils ont dû -avant de s’en aller- faire face à des blocs de résistances, à des ogres et des ennemis de la réussite. Ils auront dû aussi se faire tout petit pour rentrer dans le moule de la «normalité» et de l’autosuffisance.
Partir par respect pour soi
Leur décision de s’en aller est avant tout motivée par un désir de grandeur, d’épanouissement mais surtout de respect. Respect de ce qu’ils sont et respect de leurs idées et leurs convictions.
Comment oublier «moul tyara» avec son invention ingénieuse, qui n’a trouvé de reconnaissance que de la part des internautes passionnés pour enfin se faire «arracher» par des étrangers ? Comment oublier encore ces jeunes génies qui décèlent chaque année des failles dans des systèmes de sécurité de grandes multinationales mais qui sont totalement ignorés dans leur pays ? Nul n’est prophète dans son pays, vous répondra-t-on en guise de consolation.
Une élite s'en va, la médiocrité s'installe
Mais il n'en reste pas moins que cette émigration des cerveaux nous fait encore plus de mal. Car pour un pays qui se construit ce sont ses meilleurs architectes qui disparaissent. Loin de moi l'intention de blâmer cette élite qui s’échappe pour laisser place à une autre qui en profite bien. Cette élite médiocre qui ne fait que se renouveler chaque année grâce à ses fonds importants et son réseau tentaculaire. Ils sont là, ont étudié ailleurs mais quand ils reviennent c’est pour de bon et pour prendre la grosse part du gâteau.
C’est aussi ça quand on laisse les meilleurs s’en aller et les plus misérables se la couler douce. Laissez-nous donc les Sina, Chekhsar et autres médiocrités pour nous faire oublier cet autre mal marocain.