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Grand Angle

Maroc : Marrakech expliqué par la photographie

Une équipe de cinq photographes de l’agence Magnum Photos s’est retrouvée pendant deux semaines à Marrakech pour réaliser un projet destiné au Musée de la photographie et des arts visuels de la ville ocre qui sera ouvert en 2016. Les images prises par Abbas, accompagné par l’Américaine Susan Meiselas, relate le quotidien des habitants de la ville et serviront également à concevoir le plus grand espace au monde dédié à la photographie. Les photographes reviennent aussi sur la réticence des marocains à être pris en photo dans la rue. Détails.

Publié
Musée de la photographie et des arts visuels marrakech au Palais Badiï (Yasmina Hadimi - MMPVA)
Abbas/Magnum Photos
Abbas/Magnum Photos
Abbas/Magnum Photos
Abbas/Magnum Photos

Même si la couleur ocre domine le décor de la ville de Marrakech, il n’en sera pas de même dans les photographies prises par Abbas. Ce photographe iranien vivant à Paris et travaillant pour l’agence Magnum Photos, s’est lancé dans un grand projet pour créer à Marrakech le plus grand espace au monde consacré à la photographie avec l’aide de partenaires marocains. Ainsi, il a réalisé une série d’images sur la ville ocre et ses habitants, dans laquelle l’ombre mais aussi le noir et blanc sont mis en exergue.

Ce projet a été initié par le Musée de la photographie et des arts visuels de Marrakech. L'exposition se tient actuellement dans le monument historique du palais El Badiî, un emplacement temporaire pour le musée. Une fois le musée ouvert en 2016, il abritera une petite collection permanente, ainsi que des expositions temporaires. L’équipe de photographes de renommée mondiale a passé deux week-ends à Marrakech pour aller à la rencontre des gens mais aussi du décor marrakchi. Pour réaliser ce projet, Abbas a usé de tous les moyens pour gagner la confiance des personnes rencontrées.

Pas un long fleuve tranquille

A en croire le photographe iranien, les débuts du projet n’ont pas été un long fleuve tranquille en raison de la réticence des marocains à se faire prendre en photo. «Toute mon expérience a été définie par les premières mesures que j'ai prises dans les rues étroites de la Médina, la vieille ville», explique-t-il sur Pri.org. «Une petite fille a vu que j’avais mon appareil photo en main - et je n'avais aucune intention de la photographier -, elle a pointé son doigt vers moi, de façon très agressive, et elle m’a dit : ne vous avisez pas de prendre ma photo».

Pourtant, le photographe prend cette réticence avec beaucoup de philosophie. Abbas, qui avait déjà foulé le sol marocain pour un projet de photographie il y a 20 ans, pense que la donne a aujourd’hui changé : les gens deviennent de plus en plus méfiants avec l’appareil photo. «Les gens étaient beaucoup plus détendus. Maintenant, ils sont défavorables à la photographie», regrette-t-il.  

Marrakech en noir et blanc

L’Iranien pense que la raison de cette méfiance est à chercher dans l’affluence de touristes dans la ville ocre. Il n’a peut être pas tort puisque ces derniers se promènent dans les villes marocaines appareils photo en main ou en bandoulière. Ce qui rend certaines personnes méfiantes lorsqu’un appareil est pointé vers elles. «Marrakech était une destination d'élite...Winston Churchill, Yves Saint Laurent y sont par exemple allées. Maintenant, c'est le marché de masse. C'est le tourisme de masse», souligne Abbas. «Les gens nous disaient: ’’pourquoi vous nous prenez en photos? Nous ne sommes pas des singes’’», ajoute-t-il.

L’idée du photographe de Magnum était de prendre des photos d’ombres, plutôt que des personnes. «Les gens deviennent juste une partie de l'ombre. Vous voyez, une ombre est une projection de la réalité ... et lorsque mon travail avançait, je voyais que les ombres devenaient une allégorie de la ville», explique-t-il. Sur la majorité des clichés, on n'arrrive pas à identifier les personnes puisque l’auteur des images s’est beaucoup plus concentré sur l’ombre et la dynamique que forment le noir et le blanc.

Femme, société et modernité

Susan Meiselas s’est, de son côté, concentrée sur les femmes marocains et la façon dont la modernité et les changements de la société ont impacté leur vie. Pour convaincre certaines femmes, elle a monté une petite structure près d’un café afin de réaliser son projet. «C'était une construction très simple. C'était vraiment juste un drap noir et une feuille blanche pour diffuser la lumière, un appareil photo et un trépied. Rien de très extraordinaire», confie-t-elle.  Celles qui voulaient être photographiées avaient deux choix. Soit elles demandaient une copie, soit elles été payées 20 dirhams. Meiselas n’avait aucune idée du nombre de personnes qui allaient se faire photographier, mais à la fin 78 femmes se sont présentées. Certaines ont pris l'argent et d'autres ont demandé une copie de leur portrait.

Credit: Magnum Photos

«Ce qui était très significatif pour moi en particulier, peut-être, était qu'un certain nombre de femmes que nous avons photographiées et qui avaient donné la permission pour que leurs photos puissent être sur les murs - de l'exposition -, sont revenues les voir sur les murs», indique Meiselas. «C'est probablement pour moi la partie la plus importante de la semaine», se réjouit-t-elle.

Briser la méfiance provoquée par l’industrie touristique

Le travail de Abbas et Meiselas et le souhait de leurs partenaires marocains pourrait contribuer à briser la méfiance née de l’industrie touristique. Même si les marocains sont parfois réticents à l’idée d’être pris en photo dans la rue, cela ne signifie pas qu’ils n’accordent aucun intérêt à l’art. Pour preuve, Karen Ruimy, une Marocaine, fournit une partie du financement pour le musée. Elle a indiqué que cette nouvelle initiative va créer le buzz à Marrakech.

«La réaction de la jeune génération est incroyable», souligne-t-elle.  «Ils sont très excités par toute ouverture d'une institution qui va amener l'art vers eux, parce que l'art, c'est la liberté d'expression». Pour cette chanteuse de flamenco et danseuse, qui a quitté le Maroc très jeune, la création de ce musée est un moyen de revenir vers son pays d'origine et d’entamer plus de débats sur la photographie et les arts visuels.

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