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Grand Angle

Grippe aviaire : Une journée à bourse à la volaille de Ain Atik

A 17 Km de la capitale, la commune rurale de Ain Atik dispose de sa bourse à la volaille. Une sorte de Down Jones local, le CAC 40 de la volaille : le café local.
Bâtisse moderne contrastant avec son environnement, ce café rassemble vers la fin de la journée vendeurs de volaille et aviculteurs.
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Là, est décidé du prix d'achat du poulet à la ferme et de sa vente dans la totalité de la commune et de la région. Les prix sont fixés en prenant en considération ceux du marché avicole des villes de Rabat et Casablanca. Ain Atik se trouve sur l'axe économique des deux capitales du royaume, et comme le hasard fait si bien les choses, la bourse de Ain Atik est concomitante à la ligne de chemin fer reliant Rabat à Casablanca. Les boursiers de Ain Atik sont constamment vigilants aux changements du marché des deux capitales.

Le profil type du boursier de la volaille est celui d'une personne du terroir, conduisant un 4X4, ou un Pick up, portant une chemise de marque mais un peu salie. Le boursier de Ain Atik a toujours dans sa voiture une chemise propre s'il est obligé de négocier avec une personne d'une des deux villes. Il a aussi dans le coffre de sa voiture des bottes en caoutchouc, au cas où, il aurait à faire un tour à l'intérieur des hangars à poulets.

Autour d'un café commandé, il y'a plus de deux heures, les aviculteurs sortent leurs carnets des comptes, et reviennent sur toutes les dernières évolutions du marché. Les discussions s'animent petit à petit. Les marchés de rabat et Casablanca sont passés en revue. La grippe aviaire est au cœur de toutes les discussions. Les vendeurs jonglent avec jargon du métier et jargon scientifique, quand ils parlent de virus de grippe aviaire : « Nous sommes les premiers concernés par cette catastrophe sanitaire. Nous devons en savoir davantage sur le virus pour bien le contrecarrer », déclare Mohammed, troisième génération d'aviculteurs dans sa famille. Depuis que la grippe aviaire a été détectée dans plusieurs pays du monde, le marché de la volaille a connu une chute sans précédent. Cette épée de Damoclès pèse lourdement sur le marché national de la volaille. Et pour preuve, le marché marocain a connu une chute de 30 à 50%. Pour les aviculteurs et boursiers de la volaille, la situation vire à la catastrophe : « On a été « déplumés », par la grippe aviaire. Certains d'entres nous ont mis la clef sous la porte, d'autres ont tout laissé tomber et malheureusement l'un d'entre nous s'est donné la mort », déplore Larbi, en faisant fuir son regard vers les caisses de poulets vides mais dont les effluves continuent toujours d'embaumer la « bourse à la volaille ».

Beaucoup d'aviculteurs ont « perdu de leurs plumes » avec la psychose de la grippe aviaire. Le poulet est devenu l'ennemi numéro un des cuisines. Les consommateurs sont toujours mal informés et sont parfois réticents à la consommation du poulet…

« Aujourd'hui, le prix auquel on vend le poulet est faiblement supérieur au prix de vente à la ferme. Le poulet se négocie entre 6 et 7 DH à la ferme. Idem pour les œufs qui s'échangent à 0,40 DH contre 0,55-0,60DH auparavant. La situation est déplorable, mais les autorités persistent à faire croire que tout va bien et que le marché n'en pâtit pas », Affirme Larbi, vendeur au niveau de toute la commune et au niveau de la ville de Bouznika.

Le brouhaha des discussions boursières s'intensifie. La situation du marché est à ce moment dessinée. Mais sur les visages des boursiers se dessinent la détresse et la désolation. Des visages qui sourient à la moindre hausse du prix, et qui s'assombrissent à la moindre annonce d'un cas de mort d'oiseau de grippe aviaire ou pas.

A la fin de la soirée, le serveur du café commence à ranger les chaises et les tables. Le rideau tombe et les vendeurs s'apprêtent à prendre les volants de leurs voitures et penser à d'autres choses que les poulets et le virus H5N1.

Les lumières s'éteignent petit à petit dans le bourg de Ain Atik, les quelques choses encore occupées se vident. Un train de navette entre Rabat et Casablanca passe en rappelant aux boursiers à la volaille que le monde tourne encore avec ses maux.

Le parking se vide des grosses voitures des aviculteurs, le café ferme et les prix sont fixés et notés sur une ardoise clouée à un mur du café.
Demain les petits vendeurs de poulets en seront avisés et c'est une autre « bourse à la volaille» pour petites bourses qui verra le jour.

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