Fatah Hou, ex-boxeur marocain de 32 ans a porté plainte vendredi dernier auprès du parquet d’Evry contre Serge Dassault pour «associations de malfaiteurs». Une information confirmée lundi matin, sur France Inter, par l’avocat du plaignant, Me Dosé, rapporte Le Monde. En effet, M. Hou reproche au sénateur UMP d’avoir pris part à un stratagème en vue d'organiser son arrestation ainsi que celle de deux autres hommes au Maroc, le but étant de les éloigner de Corbeil-Essonnes.
Complot au Maroc
Selon Me Dosé, la plainte vise également le successeur de Serge Dassault à la mairie de cette ville, Jean-Pierre Bechter, le responsable du service des sports de la ville, Machiré Gassama, et un diplomate marocain en poste à Paris. Les quatre hommes auraient «mis en place un plan précis tendant à faire interpeller et incarcérer au Maroc [Fatah Hou et deux autre hommes], sous des prétextes fallacieux», pour l'empêcher «de révéler ce qu'il savait sur le degré de corruption» dans la ville, révèlent des conversations téléphoniques entre M. Bechter et M. Gassama, interceptées par la police. «Quand ils vont arriver au Maroc, ils vont être surpris de l'accueil», aurait ainsi déclaré M. Bechter dans une des conversations tenues entre le 13 et le 18 février. Un déjeuner se serait même tenu le 14 février entre Dassault, Bechter et le diplomate marocain toujours autour du cas Fatah Hou.
«Qu’est-ce qui aurait pu m’arriver au Maroc ? 10 ans ou 20 ans de prison ? Ils auraient mis de la drogue dans mes bagages ? La prison au Maroc ce n'est pas comme en France. La justice non plus. [...] J'aurais eu de sérieux problèmes», a témoigné sur France Inter lundi matin, cet ancien boxeur.
Une affaire d’argent noir
Mais si le plan des quatre hommes mis en cause n’a pas abouti, c’est parce qu’entre temps, Fatah Hou a été victime d’une tentative de meurtre. En effet, le 19 février 2013, en pleine journée dans le centre de Corbeil-Essonnes, il est très grièvement blessé de trois balles de calibre 38. Immédiatement, le suspect, Younès Bounouara, qui lui aurait tiré dessus de sang-froid s’enfuit. Après plusieurs mois de cavale, il se rend finalement et est écroué depuis le 7 novembre dernier. Cependant, Y. Bounouara est présenté comme un proche de Serge Dassault et un intermédiaire officieux de l'ancien maire UMP dans les cités.
De son côté, Fatah Hou qui dénonce également un système crapuleux de votes achetés impliquant l’industriel français, estime avoir subi cette agression «à cause de l’argent de Dassault». C’est ainsi que M. Dassault a été entendu en octobre dernier, comme témoin assisté, dans le cadre de cette tentative de meurtre. Naturellement, le sénateur UMP nie en bloc. Pourtant, un autre homme – également victime d’une tentative d’assassinat le 29 janvier 2013, affirme avoir été un acteur d'un système d'achat de votes.
De plus, dans une vidéo compromettante enregistrée clandestinement par M.Hou, fin 2012, Serge Dassault admet clairement avoir acheté la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes. Dans l’enregistrement, deux hommes dont Fatah Hou réclamaient leur dû au sénateur UMP après avoir rempli leur «mission». «Moi, j'ai tout payé, donc je ne donne plus un sou à qui que ce soit. Si c'est Younès, démerdez-vous avec lui !», finit par leur répondre Dassault.
La mairie nie tout en bloc
Une enquête est en cours sur le présumé système d’achat de votes. Mercredi prochain, le Sénat doit se prononcer sur la demande de levée d’immunité parlementaire de Serge Dassault, laquelle permettrait une garde à vue de ce dernier.
Pour son entourage, l’homme d’affaires est victime de chantage. Pour sa part, la mairie de Corbeil rejette tout complot. Entendu en juin dernier au sujet des conversations téléphoniques, Jean-Pierre Bechter expliquait que la surprise réservée aux jeunes hommes, à leur arrivée au Maroc, serait que leurs familles soient prévenues qu’ils «déconnaient» en France.
«J'étais une personne à abattre»
Mais d’après Me Dosé, il ne fait aucun doute : «Tout est orchestré depuis des semaines pour nous faire croire que MM. Dassault, Bechter et consorts sont victimes de petits voyous de banlieue. Mais la seule victime dans ce dossier est Fatah Hou qui restera handicapé à vie !». Lors de son intervention sur France Inter, Fatah Hou s’est montré clair et précis sur les raisons de cet acharnement de la part de l’ancien maire et de son successeur : «J’avais de quoi balancer le système […] Avec tous les gens que je connais qui auraient pu me ramener des preuves, j'étais une personne à abattre».