«Les membres d'une même famille ne peuvent être soumis à des systèmes juridiques différents», a déclaré, mardi à Rabat, Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, lors de la séance des questions orales à la Chambre des Représentants.
Le ministre expliquait ainsi les raisons de son projet de loi sur la naturalisation des conjoints ayant épousé des Marocaines, qu’il a présenté séance tenante au gouvernement. Selon M. Ramid, ce projet de loi devrait résoudre des problèmes qui peuvent rencontrer les époux étrangers de femmes marocaines, particulièrement en ce qui concerne la résidence, l'entrée et la sortie du territoire national.
Au Maroc en effet, la loi permet uniquement aux épouses étrangères de Marocains d’obtenir la nationalité sous réserve de l’accord du ministre de la Justice «après une résidence habituelle et régulière au Maroc du ménage depuis deux ans au moins», selon l’article 10 du Code de la nationalité marocaine. Les époux étrangers, jusqu’ici, n’ont pas cette possibilité.
Une «réponse» à l’article 19 de la constitution
Pour l’instant, le contenu du projet de loi n’a pas encore été divulgué et le ministère – que nous avons tenté de joindre, en vain – n’a pas livré de commentaires plus détaillés sur le sujet. Mais déjà, les associations féministes accueillent plus ou moins positivement la démarche.
«Dans le cadre de l’égalité homme-femme, nous ne pouvons que saluer l’initiative», déclare à Yabiladi Atifa Timjeridn, Présidente de la section de Rabat de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Cette militante féministe voit en cela, une «réponse» à l’article 19 – prônant l’égalité homme-femme – de la Constitution, longtemps «marginalisé».
Crainte de voir le scénario de 2007 se reproduire
A la Fédération de la ligue des démocratique des droits de la femme (FLDDF), l’idée de ce projet de loi est considéré comme «une avancée», mais cela ne suffit pas pour se réjouir. Fouzia Assouli, la présidente, explique : «La naturalisation des conjoints étrangers de Marocaines est une de nos vieilles revendications. Le Maroc était très en retard en ce qui concerne l’égalité homme-femme sur cette question, mais nous pourrons mieux apprécier la proposition de M. Ramid que si nous avons une idée claire des mesures retenues pour la mise en application de cette loi».
En effet, si la FLDDF se réserve le droit de ne pas trop vite jubiler, c’est parce qu’elle garde un mauvais souvenir de la loi sur la nationalité pour les enfants nés de mère marocaine et de père étranger adoptée, le 18 janvier 2007, par le gouvernement Jettou II. «Ils avaient voté la loi, mais nous avions dénoncé le fait que celle-ci était incomplète», signale Mme Assouli, car ces enfants sont soumis à l'article 22 du Code de la nationalité relatif à la déchéance de la nationalité marocaine.
La Fédération compte plusieurs cas de familles mixtes au Maroc où les maris étrangers souhaitent pouvoir obtenir la nationalité. «Auparavant, les autorités disaient qu’elles n’octroyaient pas ce droit pour des raisons sécuritaires, vu le nombre important d’étrangers mariés à des Marocaines», explique Mme Assouli. Ont-elles, à présent, trouvé des solutions à ces questions sécuritaires ? On ne saurait le dire. Autant d’éléments qui laissent la Fédération sceptique quant à ce projet de loi.