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Interview

Inauguration du Midparc : « Les multinationales viendront, mais pour combien de temps ? »

Le Mid parc, parc industriel réservé aux industriels étrangers de l'aéronautique construit à Nouaceur, à Casablanca, est inauguré aujourd'hui. Il est quasiment vide, mais pour Omar Tijani, professeur à la faculté de Larache et chercheur associé Université de Pau et des Pays de l'Adour, espère que de nouvelles sociétés vont venir s'y installer. Pour lui, le danger est pour après : lorsque ces mulitnationales quitteront le Maroc parce qu'elles auront trouvé une main d'oeuvre moins chère ailleurs, les sociétés marocaines auront-elles réussi à fonder une industrie aéronautique autonome et viable ?

Publié
/DRMidparc
Temps de lecture: 4'

Yabiladi : La première tranche du Midparc est inaugurée aujourd’hui, avec un an de retard. Bombardier a dû commencer sa production, en février dernier, dans une une usine provisoire près de l’aéroport Mohammed V car celle qu’il fait construire au sein du Midparc n’est toujours pas achevée. L’inauguration de cette plateforme industrielle est-elle une bonne nouvelle pour le secteur aéronautique au Maroc ?

Omar Tijani : Ce type d’installation relève d’une politique très intelligente car elle crée une synergie, met en commun et à disposition tous les services nécessaires à l’industrie aéronautique, mais aujourd’hui seule Bombardier à confirmer sa présence au Midparc, le reste est complètement vide. Les négociations pour faire venir d’autres entreprises sont toujours en cours. [Le groupe américain Eaton a également annoncé son implantation le 18 juin, pendant le salon du Bourget, à Paris, ndlr] Le Maroc s’est montré très ambitieux. Il construit d’abord de grandes plateformes industrielles et essaie de les remplir ensuite. Heureusement, les infrastructures ne sont jamais perdues. On peut toujours y déployer autre chose si besoin.

Comment expliquer une si faible occupation du parc à l’heure de son inauguration ?

Ce programme de chantier a été lancé pendant la crise économique. Elle a lourdement touché toutes les grandes multinationales en réduisant leurs débouchés. Sans eux, elles ne peuvent pas envisager d’investir dans de nouvelles usines de production. Aujourd’hui, nous commençons à sortir de cette période de crise et nous pouvons espérer que le Midparc se remplisse.

L’aéronautique au Maroc ne se limite pas au Midparc. Sur l’ensemble du Maroc, le secteur connait un taux de croissance de 25% par an sur les 5 dernières années, pour un chiffre d'affaires consolidé de 8 milliards de dirhams en 2011, selon le GIMAS. Quelle part y prennent les sociétés marocaines ?

Le Maroc compte aujourd’hui une centaine d’entreprises intervenant dans le secteur de l’aéronautique. Seules 5% d’entre elles sont 100% marocaines. La majorité des autres sociétés sont des joint-ventures maroco-françaises. La production purement industrielle dans ce domaine demande un capital de base considérable que seules les multinationales possèdent.

Historiquement, le cœur de métier des industriels marocains de l’aéronautique est la maintenance. Dans les années 70, la RAM ne faisait que de la maintenance pour les avions des FAR. Aujourd’hui, les nouvelles entreprises marocaines du secteur investissent les domaines de la conception, du design, des études de marché ... mais pour une production industrielle technologique elles doivent s’associer avec des sociétés étrangères qui possèdent le savoir faire.

Vous expliquez que pour le capital et le savoir faire, les industriels marocains ont besoin des multinationales étrangères. Comment le Maroc fait-il pour les attirer ?

Il ne faut pas croire que les multinationales de l’aéronautique choisissent le Maroc pour ses beaux yeux. Elles s’installent ici pour une chose : les bas coûts de mains d’œuvre des ouvriers non qualifiés. Le Maroc mise sur des incitations matérielles pour les attirer. Au Midparc, le terrain est vendu pour presque rien. Les sociétés qui s’y installent sont exonérées d’impôts pendant 5 ans et bénéficient d’une exonération fiscale de 2,5% pour les 10 années suivantes. Les salariés non qualifiés sont embauchés avec des contrats ANAPEC c'est-à-dire qu’ils ne bénéficient d’aucune protection sociale pendant 2 ans ; autant de charges en moins pour la société.

Cette politique est-elle suffisante pour une croissance durable du secteur ?

Le Maroc cherchent à remplir ses plateformes industrielles de sociétés étrangères pour les emplois créés et les quelques impôts qu’elles paient, mais l’on ne cherche pas assez à profiter de ses IDE. Les acteurs du secteur ne semblent pas avoir vraiment conscience de la dangerosité de cette politique à court terme. Certes, les multinationales viendront, mais pour combien de temps ? Le Maroc est déjà en concurrence avec d’autres pays comme l’Algérie, la Roumanie, la Turquie, la Chine, le Mexique. On sait bien que le jour où ces multinationales trouveront moins cher ailleurs, elles quitteront le Maroc. C’est ce moment là qu’il faut préparer.

Quelle est la stratégie à adopter pour éviter la dépendance de l’industrie marocaine aux multinationales étrangères ?

Il faut que les sociétés marocaines apprennent, absorbent le savoir faire des sociétés étrangères dans le cadre des joint-ventures pour être indépendant et viable seul, le jour où elles partiront. Le Maroc ne doit pas être un «abri» d’entreprise, mais il doit développer l’apprentissage organisationnel. Les multinationales qui viennent au Maroc ne transmettront jamais leur cœur de métier à leur partenaires marocains, mais elles ont tout de même réellement intérêt à ce que ceux-ci soient plus autonomes et apprennent la périphérie du métier : pour elles se sont autant d’expatriés en moins à envoyer au Maroc.

Quelle attitude les acteurs du secteurs doivent adopter pour intégrer ces nouveaux savoir faire ?

L’Etat joue son rôle. Il construit les plateformes industrielles ; l’Institut des Métiers de l’Aéronautique (IMA) a été créé pour fournir une main d’œuvre spécialisée en fonction des besoins de chaque entreprise. Le roi a également inauguré il y a 3 semaines l'Institut Spécialisé dans les Métiers de l'Aéronautique et de la Logistique Aéroportuaire (ISMALA). L’Etat investit, mais c’est au niveau des entreprises, à l’intérieur des joint-ventures, que l’essentiel se joue. Il faut former des équipes mixtes étrangère-marocaines, faire des échanges de salariés. Au Maroc un salarié peut mettre un an pour passer au niveau supérieur hiérarchique quand en France, pour le même travail, un employé mettra 10 ans. Il y a une forme d’immaturité dans la gestion des carrières.

L’Etat pourrait-il exiger des sociétés qui s’installent qu’elles réalisent un transfert de technologies vers les sociétés marocaines ?

D’autres pays, comme la Chine, l’exigent. Pas le Maroc. C’est le genre de chose qui peut être demandé au niveau inter-entreprises. Je pense que si cela se fait au niveau national, comme une condition d’installation, cela risque de faire un peu peur et de freiner les multinationales qui envisageraient de s’installer au Maroc.

un mirage bas de gamme
Auteur : schwarzkopf
Date : le 01 octobre 2013 à 13h40
le Maroc n´est pas exigeant en matière de transfert know-how

exemple,le contrat des F16 qui nous a couté 2,4MM$ n´a eu aucune clause de ToT,chose inconcevable en Asie ou Europe voir même en Amerique latine,ou cette pratique est une condition pour tout contrat d´armement.

faut demander aux politiciens pourquoi ils veulent pas de décollage technologique,peut être que ca menacera certains intêrets qui profitent de comissions...

pour cet deal on aurai attiré le grand Lockheed Martin au Maroc,pour quelconque acitivité soit elle,l´important est de mettre le premier pas

actuellement le gros de "l´industrie aéronautique" n´est que cablage et oeuvres de bas de gamme qui ne nécessite pas de high tech,c´est ca qu´ils nous envoient en bas,pour ne pas avoir a transmettre le moindre know how

et les marocains battissent encore des parcs croyant au mirage qui ne viendra pas de la sorte..

la plupart quiiteront une fois leur 15 ans de paradis fiscale terminé
réponse !!!
Auteur : safranlxyxy
Date : le 01 octobre 2013 à 12h03
"" un certain temps""
tiré du sketch de feu fernand Reynaud : combien de temps met le fût du canon pour refroidir.
"A long terme nous serons tous morts" J.M.Keynes
Auteur : Yahya Al Maghrib
Date : le 01 octobre 2013 à 00h42
Titre de l'article ou la question stupide. Il n' y a qu'au Maroc qu'on peut poser ce type de questions. Il y a quelques années un professeur français qui officiait dans une université au Maroc avait fait une découverte qui a fait beaucoup de vagues: Descartes n'était pas marocain. Je comprends maintenant pourquoi il y a autant d'étudiants chômeurs issus de facultés de 3ème zone et qui passent leur temps à manifester devant le parlement.
Aucune protection sociale !
Auteur : Nghanagh
Date : le 30 septembre 2013 à 14h40
"Les salariés non qualifiés sont embauchés avec des contrats ANAPEC c'est-à-dire qu’ils ne bénéficient d’aucune protection sociale pendant 2 ans ; autant de charges en moins pour la société."

c'est scandaleux ! De qu'il faut lire entre les lignes :
Cela veut dire que les contrats seront de 2 ans maxi ... ils ne payeront donc jamais de prestation sociale, pas de santé, pas de chômage !
Bref des sociétés qui n'apportent rien aux marocains, pire, aggrave la pauvreté ... par contre du côté des élites, on se gavent comme d'habitude !
Transfert de technologie et savoir faire!
Auteur : abdo447
Date : le 30 septembre 2013 à 08h52
Le Maroc est un tout petit pays avec de petit ressources économique et financières.

Quand le Maroc achète 1 ou 2 Boeing par An , la Chine en achète 150 ou 200 Avions de lignes par An ce qui leur permet d'exiger un transfert de Technologie voir le MONTAGE des Avions ( Airbus par exemple ) se fait carrément en chiné par des Chinois.

Le maroc n'est pas un Gros Marché pour les industriels Occidentaux , même l'Algérie avec sa grosse trésorerie ( venant de la Rente pétrolière ) ne l'est Pas.

Le Maroc doit éduquer et Former ses Citoyens et ne pas compter sur les multinationale pour le faire a sa place.
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