«Le Maroc a besoin d’adopter, de toute urgence, une loi garantissant l’accès à l’information afin de lutter contre la corruption», a déclaré samedi Transparency International, rapporte le site d’information américain Fox News.
D’après l’ONG, la lutte contre la corruption au Maroc a très peu avancée deux ans après l’accession au pouvoir du PJD d’Abdelilah Benkirane. Et ce, malgré toutes les promesses faites par ce dernier dans ce sens pendant la campagne.
L’Organisation rappelle que dans son dernier rapport de juillet 2013, elle a noté des progrès dans la diffusion de l’information au sein de l’administration publique, avec notamment les sites web de certains ministères mieux fournis qu’auparavant. Cependant, «plusieurs autres secteurs, notamment le secteur financier, la police et la justice, ne sont pas couverts par l'accès à l'information», insiste Transparency.
«La culture du secret ancrée et enracinée»
Au Maroc les statuts de la fonction publique interdisent aux fonctionnaires de divulguer des renseignements ou des documents administratifs à des tiers sans l'autorisation de leurs supérieurs hiérarchiques. D’après l’ONG, cela a «engendré une culture du secret» désormais «ancrée et enracinée», laquelle entrave toute tentative visant à accroitre la transparence.
La nouvelle coalition gouvernementale a dévoilé, la semaine dernière, une charte décrivant une série de réformes judicaires pour renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire et les mécanismes de poursuite pour corruption. Des mesures qui sont bienvenues car attendues depuis longtemps, selon Transparency. Mais elle note des affaires de corruption restées floues depuis des années, à l’instar de celle des détournements au marché de gros de fruits et légumes à Casablanca, jamais élucidée depuis près de dix ans.
Mourad Gartoumi, commerçant et dénonciateur de cette affaire, estime à au moins 1,6 milliard de dirhams d'argent public, les sommes gaspillées au cours des dix dernières années en raison de la corruption régnante dans ce marché. L’homme ne s’attend pas à ce que les choses s’arrangent de sitôt. «Franchement, les responsables n’assument pas», déplore-t-il, ajoutant qu’à ce jour, il est impossible d’obtenir l'information auprès des autorités chargées de la gestion du marché. Ces dernières rejettent tous la responsabilité sur les petits fournisseurs.
Le système de lutte anti-corruption du Maroc, une nouvelle fois remis en cause
Cette nouvelle alerte de Transparency pourrait mettre une certaine pression sur Rabat qui essaie de montrer qu’il lutte efficacement contre la corruption. Début septembre déjà, le Conseil supérieur de la magistrature a récemment alourdit les sanctions liées aux détournements et augmenté la peine d’emprisonnement pour corruption (5 à 10 ans contre 2 à 5 ans auparavant). Le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, est immédiatement passé à la vitesse supérieure en sanctionnant plusieurs juges, dont quatre révoqués. Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur se mettait au pas en relevant de leurs fonctions une vingtaine de conseillers communaux, après constat de nombreuses irrégularités.
Ceci semble, cependant, n’être qu’une infime partie de l’iceberg. Il y a deux semaines, un ancien prisonnier espagnol décrivait encore la corruption régnante dans le milieu de la police et de la justice. Et il n’est pas le seul. Plusieurs prisonniers ont déjà en ont déjà fait état. Tout cela a suscité des interrogations quant au modèle marocain de lutte contre ce fléau. Si bien que le Conseil de l’Europe a lancé, en juillet dernier, un processus de diagnostic du système de lutte anti-corruption du Maroc.