Les obsèques d’Hassan Miftah se sont déroulées mardi à Marrakech. «C’était un grand artiste, un grand musicien. Il y avait beaucoup de monde venu pour la circonstance», témoigne à Yabiladi Abdelhafid Elbanaoui, ami du défunt et directeur du Festival Ghiwani. Beaucoup de monde, «mais aucune autorité n’était présente», ajoute-t-il avec regret.
Hassan Miftah, considéré comme un musicien hors pair du célèbre groupe Jil Jilala, est décédé lundi 26 août à l'hôpital Ibn Tofaïl de Marrakech. L’artiste souffrait de la maladie d’Alzheimer, diagnostiquée en 2004. L’homme a quasiment vécu dans la «pauvreté, malgré tout ce qu'il a donné au cours de sa vie», regrette son vieil ami Jalal Jallane, dans une déclaration à Yabiladi. C’est grâce au soutien financier et matériel de ses amis que M. Miftah arrivait à survivre avec sa famille.
Quand les syndicats manquent à leurs engagements ?
Sensibles à cette réalité, les responsables du festival Ghiwani organisent, en 2011, la première édition de l’événement en hommage à l'artiste. «Nous avons tenu une conférence de presse à la veille pour exposer son état de santé et la situation difficile qui étaient siens. Les journalistes ont même fait le déplacement au domicile de feu Hassan», explique M. Elbanaoui, soulignant qu’il avait, à plusieurs reprises, interpelé «les responsables de la culture» pour venir en aide à l'artiste malade.
Pendant le festival, «le président du Syndicat marocain des professions musicales, Ahmed Alaoui, a promis, devant tout le public, d’organiser une grande soirée au théâtre Mohammed V, dont les fonds devaient être redirigés vers Hassan et sa famille», relate Abdelhafid Elbanaoui. Mais jusqu’à ce jour, rien n’a été fait. M. Alaoui a-t-il juste voulu faire bonne figure ou a-t-il rencontré des obstacles en essayant de tenir sa promesse ? L'on ne saurait le dire. Nous avons tenté en vain de le joindre.
Voyant que les choses n'avançaient pas, les responsables du festival ont saisi la Wilaya de Marrakech. Cependant ils n'ont eu aucune suite. Ils n’ont pas directement saisi le ministère de la Culture, estimant que les «autorités savent forcément dans quelles conditions H. Miftah est mort. Avec toute la communication que nous avons fait sur sa maladie, ils sont certainement informés». Mais là encore, nous n'avons pu obtenir des réponses ni du département de Mohammed Amine Sbihi, ni de la Wilaya.
Des appels à l'aide lancés vendredi, auxquels personne n'aurait réagi
Vendredi dernier encore, alors que l’artiste était dans le coma, ses amis ont lancé des appels, notamment via les réseaux sociaux. «Personne n’a réagi», regrette M. Elbanaoui.
Selon M. Jallane, son ami a été «victime de la mauvaise gestion de la profession», faisant allusion à une certaine corruption régnante. «Tout le monde peut être considéré comme artiste. Il faut glisser quelques centaines de dirhams au responsable et on obtient une carte de syndicaliste». Quoi qu’il en soit, dit-il, H. Miftah serait peut-être encore en vie s’il avait reçu une aide conséquente. «Ma propre mère a vécu pendant 12 ans avec la maladie d’Alzheimer. Si le malade vit dans de bonnes conditions et qu’il est bien suivi, ça peut aller !»
«Le roi devrait aider la famille»
Le roi a adressé, hier, un message de condoléances à la famille du défunt, reconnaissant sa large contribution de «à la gloire et la célébrité du groupe Jil Jilala qui a gratifié de ses chansons engagées et éternelles des millions d'amateurs d'art authentique au niveau national et arabe». Cependant les amis de l’artiste estiment que l'action royale ne devrait pas se limiter à ce niveau. «Le roi devrait aider financièrement de famille de Miftah», estime M. Jallane, «comme il l’a fait par exemple pour le regretté Mohamed Sousdi, dont il a pris en charge les obsèques».
Un avis partagé par M. Elbanaoui qui regrette que ce soit «toujours certains qui bénéficient des bonnes grâces du monarque et pas d’autres». Hassan Miftah «n’avait ni droits d’auteur, ni rien. Pourtant, les chansons qu’il a composées sont uniques et nos enfants les chantent encore aujourd’hui», renchérit M. Jallane.
Hassan Miftah a commencé sa carrière d’artiste dans le théâtre avant de se consacrer pleinement à la musique. Il a intégré le groupe Jil Jilala vers 1974, qui a été lui même créé en 1970. D'après ses proches, il se serait retiré du groupe vers les années 2006 pour des raisons de «mauvaise gestion financière interne».