«L’augmentation des prix du lait est un choix forcé», a déclaré dans un entretien avec L’Economiste, M’hamed Loultiti, président de la Copag, la coopérative qui produit la marque Jaouda.
Depuis que les associations de consommateurs sont montées au créneau, quant à l’augmentation des prix du lait, c’est la première fois qu’un opérateur s’exprime ouvertement à ce sujet. En effet, cette orientation a suscité la colère des associations qui ont dénoncé une «entente sur les prix» au détriment du consommateur, puisque Centrale Laitière a été l’initiateur de cette démarche et ses concurrents l’ont immédiatement suivi.
La Fédération marocaine des droits des consommateurs (FMDC) est allée jusqu’à saisir le gouvernement. Le ministre des Affaires générales et de la gouvernance, Najib Boulif, tentait de rassurer en disant que le gouvernement interviendrait via une enquête afin de vérifier les circonstances de cette hausse des prix. Des propos qu’il a réitérés cette semaine ajoutant qu’«il est difficile de se prononcer sur une éventuelle entente. Mais c’est une situation qui nous semble anormale».
Augmenter pour éviter l’importation du lait
Cependant, les opérateurs ne pouvaient faire autrement, selon M. Loultiti. Ils seraient assaillis par l’augmentation des prix des matières premières qui rentrent dans l’alimentation animale. Ils notent également l’augmentation du coût de l’énergie qui impacte le transport, l’emballage et tous les composants qui rentrent dans la fabrication du lait et ses dérivées.
Face à toutes ces contraintes, explique le président de la Copag, deux choix se sont imposés aux industriels : «soit ajuster les prix pour maintenir la production, soit importer du lait et être à la merci du marché mondial». Le responsable explique en outre qu’«il est difficile qu’un seul opérateur augmente ses prix. Nous sommes des concurrents et notre relation est loin d’être bonne. Il est impossible de parler d’entente dans cette situation».
2013 : première baisse de production depuis 40 ans
En termes de production de lait, les objectifs de l’Etat marocain sont loin d’être atteints. En effet, le contrat-programme signé en avril 2009 avec la Fédération interprofessionnelle marocaine de lait (Fimalait) prend fin en 2014. Il prévoyait une production de trois milliards de litres de lait à cet horizon. Mais le Maroc a terminé l’année 2012 avec une production de seulement 2,5 milliards de litres de lait.
Pis encore, les industriels envisagent déjà une baisse de la production de l’ordre de 5% cette année, en raison non seulement des réalités actuelles de la filière, mais aussi la mauvaise saison agricole de l’an dernier, d’après les explications du président de l’Association nationale des éleveurs de bovins (Anep). Si ces données se confirment, ce sera la première baisse de production de lait au Maroc depuis 40 ans, a-t-il ajouté.
«Depuis 2007, les cours mondiaux ont été multipliés plusieurs fois jusqu’à atteindre des niveaux insupportables», s’alarme M. Loultiti, estimant qu’il s’agit également d’un des facteurs de la baisse de production. Chez Jaouda, c’est déjà une réalité. «Nous enregistrons actuellement une baisse de production de 50 tonnes par jour», confie M. Loultiti. A ce rythme, les objectifs du Plan Maroc Vert pour la filière laitière – 5 milliards de litres de lait produits d’ici 2020 – pourraient être compromis.
La FMDC veut saisir le Conseil de la concurrence
Malgré tout, les associations de consommateurs ne décolèrent pas. Toujours sur la base d’une «entente des prix» par les opérateurs, elles estiment que la récente hausse des prix du lait quasi-simultanée viole l’article 6 de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence. La FMDC envisage donc de saisir le Conseil de la concurrence.