Des agents de la CIA ont-ils interrogé le salafiste Hamid Merzoug, détenu à la prison de Tiflet (58 km de Rabat) ? L’intéressé répond par l’affirmative. Dans un communiqué, relayé par le bureau exécutif de la Coordination de défense des prisonniers islamistes, il avance que des «officiers» de Langley lui auraient demandé de leur fournir davantage d’informations sur un Marocain, résident aux Etats-Unis. Merzoug, condamné à 20 ans pour activité terroriste, précise, toutefois, avoir transmis aux Américains qu’il ne connaît pas la personne, objet de leurs déplacements au Maroc.
Ramid réagit aux propos du salafiste
Immédiatement après la sortie du communiqué de Hamid Merzoug, la réaction du ministère de la Justice et des Libertés ne s’est pas faite prier. Un texte du département de Mustapha Ramid reconnaît, qu’effectivement, des Américains ont bel et bien été présents à l’interrogatoire de «deux détenus à la prison de Tiflet» et non d’un seul, l’identité du deuxième n’a pas encore été révélée, mais tient à clarifier que c’était dans le cadre d’une «commission rogatoire». Dans ce genre de procédure, les étrangers, souvent des juges d’instructions ou des policiers, n’interrogent pas directement les mis en cause.
Ce sont des agents de la «Brigade nationale de la police judiciaire», admet le texte du ministère, qui se sont chargés de cette mission en «présence de deux représentants» de l’administration américaine «en tant qu’observateurs», et ce, «conformément à l’accord de coopération judiciaire signé entre les deux pays en 1983».
Le communiqué ne précise pas s’ils appartiennent au département de la justice américaine, au FBI ou même à la CIA, laissant la porte grande ouverte à toutes les spéculations, ce qui renforcerait la version de Hamid Merzoug.
Les commissions rogatoires ne se font pas en catimini
Il a fallu que cette entrevue soit révélée au grand public par le détenu salafiste pour que le ministère de la Justice et des Libertés soit contraint de fournir des explications. Et pourtant, les commissions rogatoires ne sont pas classées secret d’Etat. Bien au contraire. Pour mémoire, celle menée en 2006 par le juge français, Patrick Ramël, qui enquête toujours sur la disparition de Mehdi Ben Barka, a été surmédiatisée avant et après l’échec de la mission.
Il y a également, le cas du juge espagnol, Juan Del Olmo, venu au Maroc, en avril 2006, pour interroger le détenu Mimoun Belhaj, le frère de Youssef Belhaj, considéré par la justice espagnole comme le porte-parole d’Al Qaida en Europe, sur ses liens présumés avec les auteurs de l’attentat du 11 mars 2004 à Madrid. La justice belge a, par ailleurs, dépêché des missions rogatoires au royaume sur le dossier Beliraj.
Même la justice marocaine a, de son côté, usé de cette procédure. En 2006 le juge antiterrorisme Abdelkader Chentouf est allé en Espagne pour entendre le Marocain, Hassan Haski, mis en cause dans les actes du 16 mai 2003 de Casablanca.