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Grand Angle

Les téléopérateurs, les forçats du secteur des services au Maroc (Partie II)

Ils seraient près de 41 000 à exercer dans les centres d’appels au Maroc, selon un article paru dans La Vie Eco en 2011. Si les ambitions du ministre du Commerce, souhaitant atteindre le cap des 70 000 d’ici 2015, ainsi que le relatif silence entourant ce secteur laissent penser que tout va bien, les employés quant à eux, accumulent les insatisfactions. Deuxème partie de notre enquête. (Lire partie I de l'enquête)

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Les nouveaux forçats du secteur des services au Maroc /DR
Temps de lecture: 3'

Malgré la croissance fulgurante que connait le domaine, les conditions de travail dans les call centers ont gardé une mauvaise réputation. Le 22 Mars 2012, plusieurs employés du centre d’appels Marocain Total-Call ont entamé une grève, dénonçant une surexploitation humaine, ainsi que des conditions difficiles et stressantes. «Même pour aller uriner, nous devons demander l’autorisation, laquelle est parfois refusée si le flux d’appels est trop important» a déclaré Abderrahmane Seghir, vice-président du bureau syndical de la société à Challenge.Fr. Cette grève constitue un précédent fondateur, sachant que la majorité des centres d’appels ne dispose pas d’un bureau syndical, souvent par crainte d’être licencié. Sur le site du syndicat CGT-Fapt, un communiqué publié le 28 Février 2011 dénonçait la répression essuyée par des employés de Webhelp, désireux de créer un bureau syndical : «A ce  jour, la direction de Webhelp a licencié le secrétaire et le trésorier et continue ses menaces à l’encontre des autres membres du syndicat sur le site de Rabat. Déjà il y a quelques semaines, le représentant de l’Union Générale des Travailleurs Marocain, sur le site de Webhelp à Fès était licencié.»

Quand les téléopérateurs jouent avec leur santé

A la demande d’une cinquantaine de médecins du travail, l’Institut National de Recherche & de Sécurité (INRS) a effectué une étude épidémiologique auprès de 4000 téléopérateurs (TO) français, en Juillet 2011. «Bien que l’activité de TO soit fortement contraignante, le nombre de publications concernant son  retentissement sur la santé était limité mais en augmentation ces dernières années.» déclare ce rapport, qui souligne également les contraintes que doivent affronter les téléopérateurs : «Les contraintes évoquées par les TO sont multiples : Exigence psychologique élevée ; (…) Faible latitude décisionnelle dans l’organisation du travail et fort contrôle de la productivité et de la qualité des services ; (…) Forte exigence émotionnelle pour une activité souvent très répétitive avec une confrontation aux exigences voire aux violences de la clientèle ; (…) Dissonance émotionnelle car il faut toujours afficher des émotions positives (sourire au téléphone)alors que l’état émotionnel peut être éloigné de cette positivité.» Les répercussions sur la santé des téléopérateurs se manifestent souvent par des symptômes généraux comme la fatigue, les troubles du sommeil, les troubles du caractère et la surconsommation de caféine. Des cas fréquents de prise de poids et de dépressions ont aussi été rapportés.

Cette étude d’une vingtaine de pages se clôt en soulignant la nécessité d’améliorer les facteurs organisationnels des centres d’appels, en partie responsables des contraintes soulevées. «Au Maroc, rares sont les sociétés qui font bénéficier leurs employés de l’audiogramme, pourtant nécessaire. Alors, de là à réduire les contraintes qui pèsent sur eux !» Ironise Othmane, un ‘habitué’ des call centers, et de surenchérir : «J’ai travaillé dans au moins 6 centres d’appels différents, autant en émission d’appels qu’en réception. Partout, j’ai rencontré les mêmes problèmes.»

Plateforme employant sans contrat

Enfin, pour conclure cette série de témoignages, citons le cas de ‘E.I’, une jeune étudiante qui a préféré garder l’anonymat et qui témoigne de son expérience dans un petit call center prospectant pour le compte d’un magazine français. «Nous travaillions sans contrat. Vers la fin du mois, notre superviseur nous ramenait notre salaire en espèces. De nouvelles recrues sont arrivées ensuite. Elles se sont vues remettre des ‘contrats’ à signer puis à rendre au superviseur dans la même journée, pour qu’il y appose le cachet de la société et les légalise. Depuis, il ne leur a pas redonné leur contrat.», s'indigne-t-elle. Difficile dans ces conditions de ne pas considérer ces téléopérateurs comme les nouveaux forçats du secteur des services au Maroc.

Mon avis
Auteur : berhoc
Date : le 11 juin 2013 à 13h20
Le travail dans les centres de relation clientèle est difficile et stressant. Les temps des pauses sont gérés au compte goutte, les consignes contraignantes des clients donneurs d'ordre,...mais cela reste une opportunité d'évolution très importante, pour ne pas se borner au négatif !

On commence en moyenne par un salaire de 4000 Dhs mais il y a aussi une évolution de salaire tous les 6 mois, des primes d'assiduité, de panier,...Transport assuré si non prime de transport ! Couverture CNSS et mutuel et même CIMR dans quelques centres comme Sitel.

Cela a fait 12 ans que je suis dans les centres d'appel et je peux confirmer que ce stress est plus maîtrisé aujourd'hui qu'au début ! Les attentes des téléconseillers sont de plus en plus écoutés et prises en considérations. Avant on évoquait ce travail comme un job, aujourd'hui c'est un métier à part entière !

Avec cette montée en charge de plus en plus importante sur le marché, aucun call center n'a intérêt d'ignorer ce qui serait important pour ses ressources ! Le turn over est hyper-couteux (formation, accompagnement, démarches ofppt,...)

Les call centers, les grands surtout, s’inscrivent aujourd'hui dans une nouvelle approche managériale et de coaching qui s'alignent aux normes internationales : Diversification des leviers de motivation, industrialisation des process management et coaching, challenge, animations, activités ultra professionnelles, Implication de la base dans certains processus de décision, faire comprendre à la base qu'ils ont un certain contrôle sur leur travail, Expliquer le contexte pour que la base agisse en connaissance de cause... !

Quant à la pression, ce ne sont pas les patrons qui le veulent ainsi, c'est imposé par les clients donneurs d'ordre qui ne font à leur tour que transposer la chaleur de la concurrence du marché français ! C'est la loi du capitalisme et de la mondialisation qui donne une opportunité qui elle-même engendre au même temps ses propres contraintes qu'il faut et qu'on saura gérer avec le temps . Plus les salariés prennent de l'ancienneté et mieux ils sont conscients de la complexité de l'enjeu, mieux vaut avoir un emploi dans des conditions difficiles et qui évoluent que de n'avoir rien !

La concurrence est rude entre le Maroc et les autres pays comme la Tunisie, le Sénégal, l'Algérie ou encore l'Ile Maurice ou Madagascar et du coup, toutes les parties sont amenées à faire un effort du mieux qu'elle peut (Patronat, l’État, les salariés,...) pour contribuer à pérenniser voire développer ce secteur tant promotteur; et pour terminer sur une note positive, je reste confiant que ces conditions de travail vont continuer à s'améliorer ! Les petits centres d'appel vont certainement disparaître et on assiste déjà à des fusions/absorptions dans le secteur ! Il n'y aurait que les grands call centers, s'alignant aux normes internationales (ISO) et françaises (NF 345) et disposant d'une marge de manœuvre assez suffisante pour satisfaire ses partenaires au sens large du terme, qui survivront.
Dernière modification le 11/06/2013 13:46
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