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Grand Angle

Émigration marocaine : « Un cas d'école remarquable », Hein de Haas [Interview]

Hein De Haas, co-directeur de l'International migration institut de l'université d'Oxford, travaille depuis une vingtaine d'années sur l'émigration marocaine. Le Maroc est selon lui "un cas d'école remarquable". Ses études l'ont mené à déconstruire plus gobalement plusieurs idées reçues sur les migrations. Il rappelle notamment que l'immigration marocaine vers l'Europe n'a jamais cessé d'augmenter, malgrè les restrictions légales et le développement du pays.

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Yabiladi : Avec l’agence Frontex, l’Union européenne ferme ses frontières un peu plus hermétiquement chaque jour avec le consentement et l’appui du Maroc, pourtant vous montrez que depuis les années 90 la migration marocaine vers l’Europe n'a jamais cessé d'augmenter. Comment expliquer ce paradoxe ?

Hein de Haas : Tant qu’elle voudra respecter les droits de l’homme, l’Union européenne ne pourra pas limiter efficacement l’immigration car une grande partie des Marocains qui arrivent aujourd’hui dans l’Union européenne le font légalement grâce au regroupement familial qui est un droit internationalement reconnu aux migrants. Aujourd’hui, les Etats ont perdu leurs moyens d’agir efficacement sur les flux de migrants sauf à devenir des Etats totalitaires. Les pays vivent dans l’illusion qu’ils maitrisent les migrations. Les politiciens ont besoin de faire croire aux populations qu’ils maitrisent les choses, mais la réalité s’impose.

Si les Etats sont impuissants, quels sont les déterminants réels des flux migratoires ?

Le premier et plus grand déterminant de l’immigration est la demande économique. Il y a une relation intrinsèque entre la variation de l’émigration marocaine à destination de l’UE et le taux de croissance européen. S’enchaîne ensuite à cette émigration économique une dynamique sociale : les réseaux sociaux des Marocains arrivés en Europe permettent à d’autres Marocains de les rejoindre, puis vient le regroupement familial… Les liens coloniaux et culturels servent de catalyseurs à ces flux. Ainsi les Marocains se sont majoritairement dirigés vers le France et l’Espagne, même si aujourd’hui il y a un affaiblissement de cet écho post colonial.

Les besoins en main d’œuvre en Europe explique l’arrivée de migrants, mais comment expliquer qu’autant de Marocains continuent  à émigrer alors que le pays s’est beaucoup développé ?

On explique souvent l’émigration par la pauvreté, mais lorsque le niveau de vie s’élève, le niveau d’éducation aussi et cela augmente les aspirations individuelles à des conditions de vie encore meilleures. Ces aspirations ont tendance à augmenter très fortement avec les premiers temps de l’émigration et le développement du pays. Ce n’est qu’à long terme que l’on peut observer une baisse de l’émigration, avec un développement plus approfondi tel qu’il se déroule en Turquie.

Aujourd’hui, les pays pourvoyeurs d’émigration comme le Maroc mise de plus en plus sur le diaspora avec le soutien de différentes organisation internationales, dont le Banque mondiale, pour soutenir leur développement. Est-ce une bonne stratégie ?

La migration peut faciliter le développement, mais il ne faut pas croire qu’elle peut tout résoudre. Aujourd’hui la migration devient une sorte de mantra, alors qu’elle fait partie intégrante du problème. Elle apporte des changements positifs, mais elle peut entraîner une certaine forme de dépendance aux transferts s'ils deviennent une rente pour le pays d’origine.

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