Durant deux heures et une vingtaine de minutes, les sénateurs ont soulevé les préoccupations majeures de la communauté marocaine installée à l’étranger. Transit, allocations familiales, participation politique (toujours renvoyée aux calendes grecques), enseignement des langues arabe et amazighe, encadrement religieux et unification des multiples intervenants institutionnels, voici, dans l’ensemble, les grandes axes des questions des conseillers. L’opposition a choisi le RNI (Rassemblement national des indépendants) pour prendre la parole en son nom, alors que les groupes de la majorité ont privilégié le chacun pour soi.
Benkirane promet la généralisation du RAMED aux MRE n’ayant pas une couverture médicale
La première intervention de Benkirane se résume en un long énoncé de chiffres. Selon lui, le nombre des MRE oscille entre 4 et 5 millions dans le monde, dont 80% réside en Europe ; 70% ont moins de 45 ans ; 17% possède des diplômes d’enseignement supérieur ; 44% ont la double nationalité ; leurs transferts en 2012 se situent à 56 milliards de dh, soit une baisse de 2,2 MM par rapport à une année auparavant ; 41% de leurs investissements se concentre dans l’immobilier contre seulement 14% dans les secteurs productifs.
Le chef de gouvernement a souligné que 576 enseignants, uniquement en Europe, prodiguent des cours d’arabe aux enfants des MRE. Il a reconnu la nécessité de moderniser cette activité en s’ouvrant sur la langue amazighe et en annonçant le lancement d’une étude de faisabilité sur l’enseignement à distance.
Dans le domaine religieux, Benkirane a souligné que son équipe a consacré, en 2012, 120 millions de DH aux MRE avec la présence de 130 imams permanents répartis dans de nombreuses mosquées en Europe et 300 autres dépêchés durant le mois de ramadan. Il a, également, donné quelques chiffres se rapportant aux contributions financières que son gouvernement à accorder aux MRE : 10 millions de DH pour les MRE vivant dans la précarité, 3 millions pour les étudiants en Europe, 3 millions pour les étudiants en Afrique, 12 pour le transport des dépouilles au Maroc et enfin 150 millions de DH pour les opérations de rapatriement des MRE dans des pays en guerre.
Benkirane conclut cette première partie de son intervention par annoncer la généralisation du RAMED aux MRE n’ayant pas une couverture médicale. Toutefois, il n’a fourni aucun détail sur la procédure à suivre. Même flou sur son intention de créer une caisse de solidarité sociale pour cette même catégorie de MRE.
«Je suis convaincu de la participation politique des MRE mais…»
Tout au long de sa première intervention, Benkirane a complètement éludé la participation politique. Il s’est juste contenté d’affirmer la volonté de son cabinet de renforcer la présence des MRE dans le tour de table des instances consultatives. Et pourtant, un incident s’est produit le jour même de cette comparution, mettant en doute cet engagement.
Le gouvernement a, en effet, présenté, ce mercredi au parlement, le projet de loi organique du Conseil économique social et environnemental sans qu’il ne soit fait mention de sièges réservés aux MRE dans sa composition. Une remarque soulevée, d’ailleurs, par le président du groupe socialiste mais sans pouvoir obtenir la moindre réponse de Benkirane lors de sa deuxième intervention.
En revanche, il s’est dit «convaincu» du droit des MRE à avoir leurs représentants au parlement, tout en admettant qu’il y a d’autres impératifs qu’il faut prendre en considération. Là aussi, il n’a pas dit lesquels. En revanche, en bon communicant, il a retourné la problématique en reprochant à l’opposition son manque de soutien à son appel en 2011, proposant d’accorder 30 sièges dans la Chambre des représentants aux MRE.
Les retraités des Pays-Bas au cœur d’une prise de bec entre Benkirane et le PAM
Cette séance n’a point dérogé à ses précédentes. Le clash entre Benkirane et le président du groupe PAM s’est produit sur le dossier des retraités des Pays-Bas. Hakim Benchemmach, le président du groupe PAM, a montré une lettre, traduite en arabe, portant la signature du ministre néerlandais des Affaires sociales, adressée au gouvernement l’informant du projet de révision à la baisse des allocations familiales des veuves et enfants et appelant à l’ouverture d’un dialogue entre Rabat et La Haye pour une actualisation de la convention signée entre les deux pays en 1972. Le PAMiste prétend que la missive date d’avril 2012. Chose que Benkirane récuse, estimant qu’elle remonte à 2011. C’est-à-dire sous l’équipe Abbas El Fassi.
Le chef de gouvernement a ensuite appelé les conseillers à éviter toute surenchère politicienne sur ce dossier, affirmant que son cabinet poursuit les rounds de négociations avec la partie néerlandaise «dont le dernier s’est tenu, la semaine dernière», a-t-il avancé. «Je suis optimiste au règlement de cette affaire qui affecte directement 900 veuves et 4000 enfants», a-t-il conclut.
La nécessité d’une nouvelle approche MRE
Au-delà des divergences de vues entre l’opposition et le gouvernement sur le dossier MRE, les deux sont d’accords sur la nécessité d’élaborer une nouvelle approche, l’ancienne a nettement montré ses limites et surtout ses défaillances. Unifier les multiples intervenants est plus qu’une urgence. Certains conseillers ont appelé, également, à la révision de la mission du CCME. Une instance en déphasage avec la réalité des MRE. Maâti Benkaddour du RNI a appelé à la mise à niveau de l'institution.
Un chiffre montre combien serait salutaire l’élaboration de cette nouvelle stratégie qui tiendrait enfin compte des mutations profondes de la diaspora marocaine : 45% de la population MRE est née dans les pays d’accueil. Et c’est Benkirane qui l'a dit.