On n'en compte plus le nombre, on ne l'a vraiment jamais su au réel, des noms circulent, parfois des noms sur des visages, des visages à peine sevrés qui portent, malheureusement, la misère, la détresse et le poids d'une vie qui ne fait de cadeaux à ceux à qui elle n'a pas donné, au départ, les mêmes chances que les autres. Des visages mêmes souriants même miséreux, innocents, des petites tailles, frêles, fragiles, menues. Des tenues vestimentaires qui portent l'étiquette, non pas d'une grande ou moyenne marque de vêtements, mais du dénuement le plus total, des habits qui ne portent pas d'étiquette de marques du tout et qui ne couvrent qu'un espace limité d'un corps qui demande plutôt à être couvert de la tête aux pieds, pour se prémunir du froid qui tue, et des regards des autres qui tuent aussi, d'une autre manière.
Assez parler de l'indéfini: ce nombre, ces noms, ces visages, ces corps lacérés, meurtris, abîmés, abaissés et rabaissés sont ceux des petites filles employées de maison au Maroc, pays de grande culture, d'humanisme, de grande religiosité, des mosquées investies jusqu'au dernier mètre carré lors des prières du vendredi et du mois sacré du Ramadan, pays de relations familiales encore solidaires, n'étant pas encore individualisées par le progrès technique dont certains bénéficient des avantages quand d'autres assument ses inconvénients.
La vie d'une petite "bonne"
C'est devenu quotidien, chronique et structurel, ce "fait divers" qui vous annonce le décès, la mutilation, l'hospitalisation de jeunes filles employées de maisons chez les riches et les moins riches et tous ne sont pas des bourreaux maltraitants. La société ne lâche rien, le terme "la bonne" a la vie dure et semble solidement établi. Des coups, des frappes, des brûlures à la cigarette, des coups à la sandale ou à la babouche qui pleuvent sur la tête, le visage, les fesses, les pieds, le dos, le ventre sans pitié. Des privations de nourriture et des prises de repas seul, dans un petit coin de cuisine. Des horaires et durées de travail dignes de l'antiquité. Des réveils aux aurores, avant l'appel à la prière de l'aube et avant même que le coq, qui a fait de sa vie un sacerdoce de réveiller les gens ne lance ses cocorico. Des couchers tardifs, une fois le corps lessivé, vidé et anéanti par une journée de travail interminable de préparation de repas, de ménage, des courses, de babysitting, et pour finir des séances de plaisir subies.
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Des drames qui surviennent dans l'isolement total, dans l'intimité de la famille employeuse: alors que, parfois, le père e le fils se prélassent, la maitresse de maison en rajoute avec menaces, insultes, paroles rabaissantes et blessantes et des coups de sandales et autres babouches, armes redoutables dans les familles marocaines. Que dit la loi marocaine et internationale sur le travail, l'âge légal, la scolarité et la protection des enfants? Que dit-elle sur la maltraitance, les privations de nourriture? Car des lois existent, des projets de loi aussi. Que faut-il alors pour mêtre fin à des pratiques et des rapports de travail indignes de la société marocaine?
Les accidents de circulation et la maltraitance des petites filles employées de maisons, deux domaines où excelle le Maroc mais qui ne demande qu'à s'en débarrasser. Alors appel à toutes celles et tous ceux qui aiment ce beau pays, ce pays des milles et une couleurs, des milles et une beautés humaines et naturelles, de débarrasser le Maroc de ces deux fléaux.