Enfin ! Plus de recours possible. L’Association Nationale de Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM), gestionnaire des biens des ex-Houillères, versera une indemnité de 40 000 euros à chacun des dix anciens miniers marocains. La cour de cassation a rejeté l’appel formulé par les ex-Houillières du Nord/Pas-de-Calais, mercredi 27 février, confirmant ainsi leur condamnation pour discrimination envers ces Marocains, rapporte l'AFP. 29 ans que l'association se bat pour ce verdict.
«On a gagné la dignité»
Selon l’avocat des demandeurs, Me Marianne Bleitrach, «c'est une grande victoire sur la discrimination dont ils ont été victimes», rapporte La Voix du Nord. On est «allé les chercher pour travailler dans les mines et quand les mines ont fermé, on ne voulait qu'une chose, c'est qu'ils rentrent chez eux», a-t-elle ajouté.
«On a gagné la dignité avant d’avoir gagné de l’argent. Elle n’a pas de valeur, ça ne s’achète pas», indique à Yabiladi Abdellah Samate, président de l'Association des anciens mineurs marocains du Nord, créée en 1989. D’après lui, les Français, depuis les années 60 et 70 ne les ont pas «considérés comme des hommes à part entière». Il se souvient encore des réponses qu’ils pouvaient recevoir à chaque fois qu’ils demandaient à être payés plutôt que d'être logés directement par les Houillières : «vous êtes d’origine marocaine et pas européenne».
Le combat, ils l’ont mené pratiquement seuls. Ils se sont engagés dans la bataille en 1984, après la fermeture dans les années 1980 de la plupart des mines du Nord. Mais ils ont mis longtemps avant de commencer à se faire entendre quand ils ont reçu l’aide de leur avocat. En 2008, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) met en demeure les Houillières. La Halde reconnaît la discrimination subie par les ex-mineurs marocains.
En 2009, l’ANGDM (les Houillières) propose à chacun des dix mineurs la somme de 14 000 euros pour clore l’affaire. Mais les Marocains, au-delà de l’argent, souhaitent rétablir leur honneur. Ils saisissent alors les Prud’hommes. Le 19 mars 2010, les Prud'hommes de Douai condamnent les ex-Houillères à verser 40 000 euros à chacun des anciens mineurs. Celles-ci font appel.
En avril 2011, la cour d’appel de Douai reconnaît, à son tour, aux mineurs marocains le droit à cette indemnité. Mais l’ANGDM ne bouge pas le petit doigt. Après avoir manifesté leur ras-le-bol, les miniers marocains saisissent la Cour de cassation qui vient de leur donner raison.
«Le gouvernement marocain sera content alors qu’il ne nous a jamais épaulés»
Les anciens mineurs sont heureux de cette issue, cependant «le gouvernement marocain va être content, alors qu’il ne nous a jamais épaulés», déplore Abdallah Samate. «Il ne faut pas qu’on parle uniquement de la France, remarque-t-il. Si nous avons été discriminés, c’est parce que le Maroc ne parle pas de nous, dans ses relations diplomatiques avec l’hexagone. Aujourd’hui, on essaye de corriger toutes les erreurs du passé».
M. Samate reconnait toutefois que son groupe a reçu un léger soutien de l'Etat marocain lors de la caravane organisée en novembre dernier dans le sud du pays, pour recenser les anciens miniers. «Le ministère des MRE nous avait donné un coup de main symbolique», indique-t-il. Mais que représente cela pour 29 ans de bataille ? Le nombre de mineurs à avoir été victimes de discrimination, comme les 10 Marocains qui se sont battus pendant 29 ans, est estimé à près de 1600. «C’est à eux de faire les démarches», indique M. Samate.