«Les autorités [marocaines, ndlr] devraient abandonner les accusations pénales de diffamation contre un rédacteur en chef au Maroc qui a déclaré qu’un membre du gouvernement a commandé du champagne dans sa chambre d’hôtel pendant un voyage financé par le contribuable, à l’étranger», déclare le Comité de protection des journalistes (CPJ), hier, mardi 15 janvier. La dernière audience du procès du ministre marocain de l’Industrie et du Commerce et des Nouvelles technologies Abdelkader Amara contre le magazine arabophone Al Aan, a eu lieu la veille, lundi matin, au tribunal de première instance d’Aïn Sebaa, à Casablanca, quelques heures avant l’audience du procès Driss Ajbali contre Yabiladi.com.
Le ministre Abdelkader Amara a porté plainte pour diffamation contre Al Aan pour son article, publié le 22 juin, intitulé «Le ministre PJD Amara a payé des boissons alcoolisées avec notre argent». Dans cet article le directeur de publication, Youssef Jajili, affirme que le ministre de l’Industrie et du Commerce et des Nouvelles technologies a pris un repas à 100 000DH, dont deux bouteilles d’alcool, dans un hôtel de Ougadougou, au Burkina Faso, dans le cadre de la 6° caravane Maroc Export.
Un an de prison ?
Fin juin, dans un communiqué public, Abdelkader Amara répond : «J’ai décidé d’aller en justice en citation directe contre le magazine concerné, de même que contre toute personne ayant produit un faux témoignage ou s’étant impliquée de près ou de loin dans cette action qui porte atteinte à mon honneur, ma dignité ainsi qu’à l’honneur de mes responsabilités, de ma famille et de mon parti.»
Depuis les audiences se succèdent et la prochaine est prévue pour le 28 janvier. Le magazine Al Aan risque plusieurs milliers de dirhams d’amende voire de mois de prisons selon la qualification des faits. Le code de la presse marocain prévoit notamment des peines pouvant aller jusqu’à 100 000 DH d’amende et un an de prison en cas de diffamation envers les chefs d’états, chefs de gouvernement, et les ministres des affaires étrangères des pays étrangers.
«Réduire au silence la presse indépendante»
«Ces accusations de diffamation contre Youssef Jajili devraient être abandonnées immédiatement», déclare Sherif Mansour coordonateur du CPJ au Moyen-Orient et Afrique du Nord. «Les journalistes doivent être en mesure de servir de chien de garde du gouvernement sans craindre d'intimidation, de détention ou une peine de prison», estime-t-il. «Dans le passé, la justice marocaine a souvent été utilisé comme un outil pour réduire au silence la presse indépendante. De 2009 à 2011, plusieurs journaux ont été ciblés dans politisés poursuites pénales pour avoir critiqué le gouvernement ou pour leur couverture des sujets tabous tels que la santé du roi ou la famille royale», insiste le CPJ.
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