Al Adl wal Ihassane, sous sa nouvelle formule, ne semble guère pressée pour se constituer en un parti politique. La Jamaâ compte avoir au préalbale des garanties de la part du pouvoir quant à l’issue de sa demande avant qu’elle n’entreprenne la moindre initiative. Les héritiers de Abdeslam Yassine appréhendent qu’une nouvelle demande ne subisse le même sort que celle de 1981. Cette crainte a été exprimée clairement par le vice-secrétaire général du mouvement islamiste, dans un entretien paru, aujourd’hui, au quotidien Akhbar Al Yaoum. Fathallah Arsalane estime, à tort ou à raison, que «maintenant, tous les indicateurs convergent vers un refus de l’Etat» de cette idée. et de déplorer qu' «au Maroc, il y a d’un côté la constitution et de l’autre côté quelque chose de plus important que la loi fondamentale. Et justement c'est elle qui contrôle les autorisations accordées aux partis», ajoute-il.
C’est à l’Etat de faire le premier pas
«La Jamaâ serait-elle incapable de préparer son dossier juridique et d’organiser l’assemblée constituante de son parti ? Est-ce là une mission difficile ? Ou bien existe-il des consignes et des conditions en dehors de la loi et de la constitution exigées en échange de l’autorisation ?», s’interroge Arsalane. Et d’affirmer que par le passé son association a «refusé» ce genre de pressions et qu’elle n’est pas prête à modifier sa position.
Le n°2 d’Al ADl wal Ihassane estime que la mutation de son mouvement en une formation politique dépendrait entièrement de l’attitude du pouvoir de tendre sa main à la Jamaâ. «C’est à l’Etat d’exprimer sa volonté de respecter notre droit de constituer un parti politique, sans aucune condition. Lorsque il y aura accord et nous en aurons le feu vert, le reste serait pure formalité».
Dans cet entretien, Arsalane dément qu’il y ait réellement eu lieu des «négociations avec le pouvoir», estimant qu’il s’agissait plutôt de simples «rencontres». Et pourtant, le début des années 90 avait connu des contacts entre les deux parties au cours desquels l’ancien ministre des Affaires Islamiques, Abdelkebir Alaoui Madaghri, avait joué le rôle de médiateur entre Hassan II et Abdeslam Yassine.
La Jamaâ et la monarchie
A une question sur la non-reconnaissance d’Al Adl wal Ihassane de la monarchie, Arsalane évite d’y répondre directement. «Admettons que cela est vrai. Où est alors le problème? Ne s’agit-il pas là d’une opinion ? L’Etat n’a-t-il pas le devoir d’assurer aux partisans de cette position le droit de s’exprimer librement tant qu’ils le font d’une manière pacifique et rejettent la violence comme moyen de réaliser leur objectif ?». Et de conclure qu’«au Maroc, il y a des partis qui ne reconnaissent ni le régime monarchique ni la Commanderie des croyants et pourtant ils existent. Alors pourquoi, nous continuons à être interdits ?». Une allusion à la petite formation d'extrême gauche d'Annahj Addmimocrati (La Voie démocratique) qui ne cache ni son penchant pour la république ni ses sympathies pour le Polisario. La Jamaâ veut être traitée sur le même pied d'égalité que les camarades de Brahma.