Yabiladi : Pourquoi la municipalité d'Agadir a interdit la projection de votre film ?
K.H. : Sincèrement, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai reçu aucune explication concernant le refus de la municipalité d’Agadir (dirigée par Tarik Kabbaj de l’USFP, ndlr) d’interdire la projection de mon documentaire sur les juifs de Tinghir. Cependant, j’ai lu dans la presse que cette décision est due à des «raisons sécuritaires» sous prétexte que le complexe qui devait accueillir la projection du film porte le nom de «Mohamed Jamal Addorra», un enfant palestinien abattu il y a quelques années par l’armée israélienne alors qu’il était entre les bras de son père. Je pense que cette «explication» n'est pas bien fondée, sachant que mon film n’est nullement sur le conflit arabo-israélien mais sur des Marocains de confession juive qui même s’ils ont quitté le royaume, dans certaines circonstances, ont su garder un lien avec leur pays natal qu’est le Maroc.
Et selon vous quelle en est la véritable raison ?
Je pense que la municipalité d’Agadir s’est pliée au diktat de l’association dirigée par Khalid Soufiani qui, à maintes reprises, appelait et continue d’appeler au boycott de mon film sous prétexte qu’il s’agit d’une initiative de "normalisation avec les sionistes". Je dis que c’est faux ! Et j’aimerai profiter de cette interview pour demander de cesser toute instrumentalisation des souffrances du peuple palestinien à des fins politiciennes ou autres. J’aurais tant aimé que ceux qui s’arrogent le droit de parler au nom des Palestiniens et critiquent mon film manifestent la même solidarité avec les syriens ou les libyens sous Kadhafi. Voilà deux ans que Bachar El Assad tue son peuple sans que l’association de Soufiani ne batte le pavé contre ce génocide en direct.
Ce n'est pas la première fois que votre film subit de telles attaques au Maroc, à votre avis, pourquoi ?
Je pense que mon documentaire dérange certains panarabistes et islamistes qui s’opposent à l’identité plurielle du Maroc. Un principe que, d’ailleurs, la nouvelle constitution du 1er juillet 2011 a pleinement consacré. Ces mentalités sclérosées, oseront-elles nier le préambule de la loi fondamentale insistant sur le fait que le «Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen»?
Après les Juifs de Tinghir quelle en est la prochaine étape ?
N’en déplaise à certains, Je vais garder le cap de l’identité plurielle du Maroc, en se focalisant cette fois sur la langue amazighe, autrefois proscrite mais qui est enfin officielle aujourd'hui. C’est le combat de bien des générations avec une pensée toute particulière à Mohamed Chafiq (le premier recteur de l’IRCAM, ndlr). Mais en attendant de commencer la réalisation de ce projet, mon film sur les juifs de Tinghir continue sa tournée ici et à l’étranger.
Je viens juste d’entrer aux Etats-Unis où le film a été projeté à Los Angles et San Francisco, il sera bientôt en Espagne et en Belgique. Au Maroc, j’ai été hier à Fès. Les prochaines étapes seront Oujda et El Jadida. Depuis que j’ai commencé ma tournée au Maroc, j’ai parcouru plus de 7000 kilomètres. Je conclus cette interview par deux messages : le premier, rappeler cette déclaration de feu Hassan II «où que soient les juifs marocains, ils sont des ambassadeurs du Maroc», et le second par réaffirmer que mon documentaire est un hymne à l’identité plurielle du Maroc à l’amour, à la paix et à la création d’un Etat palestinien vivant en paix à côté d’Israël.