La France aura-t-elle un jour son Barack Obama à l’Elysée ?

Mohamed Hakkou, conseiller municipal de Gonesse en région parisienne d’origine marocaine et membre de l’Association Nationale des Elus Locaux pour la Diversité croit dur comme fer qu’un jour la France aura son Barack Obama, un président français d’origine maghrébine ou africaine qui siègera au Palais de l’Elysée. Néanmoins ce n’est pas demain que cela risque d’arriver. Pour lui, il faut encore attendre 20 ans avant d’avoir le premier président français issu de l’immigration. «Ca pourrait être moi !», lance Mohamed Hakkou en riant. «J’aimerais bien être le premier président français d’origine maghrébine ! Sérieusement j’y pense tous les matins en me rasant ! J’ai 38 ans aujourd’hui, dans 20 ans, j’en aurais 58. Il faut être ambitieux quand on fait de la politique», poursuit-il.

Plafond de verre

Cependant, Mohamed Hakkou garde les pieds sur terre. Il sait que la bataille sera rude. «Il y a une étude sociale signée par le sociologue Éric Keslassy d’il y a quelques années qui disait que ce sont les partis politiques qui bloquaient cette ascension politique et que les Français, eux, étaient prêts à élire un président d’origine immigrée», souligne-t-il. «Le problème aujourd’hui est qu’on [Français d’origine immigrée] n’est pas assez représenté dans les instances de la République. C’est vrai que la diversité est entrée dans l’assemblée nationale mais la diversité manque toujours au sein des ministères ou dans les institutions publiques et privées où il existe toujours un plafond de verre On est visible dans la rue. On est visible dans la masse ouvrière mais on n’est pas encore visible lorsqu’on passe au niveau des cadres de ces institutions. Ces institutions ne sont pas en phase avec les réalités de la société» estime-t-il.

A quoi il faut ajouter d’après lui, les discours de certains hommes politiques comme ceux de Jean-François Copé sur le racisme anti-blanc ou la fameuse affaire de l’arrachage du pain au chocolat pendant le ramadan, des discours qu’il qualifie de «démolisseurs» et qui créent un climat délétère poussant la division au sein du peuple français. «Aujourd’hui des étudiants issus de l’immigration viennent me trouver pour que je les aide à trouver un stage à l’étranger car tous leurs collègues ont réussi à trouver un stage en France et pas eux. On en est encore là en France ! Il y a quand même un problème quelque part !», lâche-t-il d’un ton ferme.

Absence de statistiques éthniques

Du côté de David Ignatius, célèbre journaliste du Washington Post spécialiste en politique internationale rencontré aux Etats-Unis, les Français pourraient avoir un jour leur Barack Obama, mais sans donner d’estimation de date. «En France, il y a de nombreux jeunes politiciens d’origine maghrébine qui sont aujourd’hui très dynamiques et qui parlent aux Français de changement et d’espoir dans le futur. Ces jeunes politiciens parlent de la même manière que le faisait Barack Obama avant d’être élu président des Etats-Unis. A cette époque, les Américains disaient qu’ils ne verraient jamais d’Afro-américain devenir président. Ils disaient : «c’est une bonne idée mais ça n’arrivera jamais, oubliez ça !». Cependant, c’est bien arrivé aux Etats-Unis et deux fois de suite», explique David Ignatius.

Ce dernier n’hésite pas à pointer du doigt l’absence de statistiques donnant des précisions sur les origines ethniques ou religieuses de la population française. . «Les Français considèrent l’existence de ces statistiques comme étant inappropriée par rapport à leur motto Fraternité et Egalité», dit-il en esquissant un sourire ironique. Selon lui, l’absence de statistiques ethniques faussent la compréhension du champ politique français et notamment sa composition éthnique. «Lorsqu’on nous parle de discrimination, je veux bien, mais sur quel critère se base-t-on pour dire que la discrimination existe. Malheureusement, on n’a pas de données officielles qui nous le prouvent», renchérit Mohamed Hakkou, qui, lui est pour que les statistiques ethniques soient autorisées.

Obama peut dire «gracias» aux Hispaniques !

Aux Etats-Unis, c’est tout autre. Les Américains n’ont pas honte d’utiliser les statistiques ethniques. C’est d’ailleurs grâce à elles que l’on sait que Barack Obama a été réélu président des Etats-Unis grâce au vote de la communauté hispanique américaine, une communauté devenue beaucoup plus importante que celle des Afro-américains. Aujourd’hui, cette communauté est estimée à 52 millions d’habitants, soit près de 17% de la population totale américaine. Plus de 12 millions d'Hispaniques ont voté mardi dernier pour Obama d’après le site Latinreporter.com.