La deuxième audience du procès de Yabiladi.com a duré près de 3 heures. Aujourd’hui, lundi 5 novembre, Driss Ajbali, responsable au sein du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger qui a porté plainte contre Yabiladi pour diffamation, et Mohamed Ezzouak, directeur de publication de Yabiladi, se sont soumis aux questions du juge dans la 7° salle d’audience du tribunal de première instance de Casablanca à Aïn Sebâa. Le juge a interrogé Mohamed Ezzouak pendant presque deux heures, puis Driss Ajbali à son tour ; tant et si bien que les avocats des deux parties – Me Omar Benjelloun pour Mohamed Ezzouak, et Me Ksir et Me Lahlou pour Driss Ajbali - n’ont pas eu le temps de poser leurs questions. Les débats continueront pendant la prochaine audience, lundi 19 novembre.
Dès les premières minutes de l’audience, Mohamed Ezzouak a répondu au feu nourri des questions du juge. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de conciliation ? Pourquoi n’a-t-il pas tenté de joindre par téléphone M. Ajbali pour lui poser ses questions en plus d’envoyer deux mails ? Avait-il la preuve que ses deux mails avaient bien été reçus par l’intéressé ? Quand a eu lieu l’interview de Driss Ajabali au Canard Libéré : avant ou après l’article de Mohamed Ezzouak «Argent public : Le fabuleux train de vie d’un employé du CCME» ?
Percutant mais impartial
Entre deux questions, le juge reconnaît : «c’est tout à votre honneur de vous intéresser à l’utilisation de l’argent public mais il faut absolument avoir des preuves. Si vous avez le moindre doute, vous ne devez pas publier.» Percutant, mais impartial, il s’est ensuite tourné, pendant un peu moins d’une heure vers Driss Ajbali. Puisque ce dernier a déposé plainte pour diffamation, le juge l’a interrogé sur le contenu même de l’article afin de mesurer si ce qu’y avançait Mohamed Ezzouak relevait de la diffamation ou non. Ce faisant, il a permis à chacun, dans la salle d’audience, de connaître enfin les réponses de Driss Ajabali aux questions de Yabiladi concernant son niveau de vie.
Le responsable du CCME a ainsi reconnu l’essentiel des informations révélées par Yabiladi.com. Lorsque Omar Benjelloun a présenté à la cour, les preuves qui avaient autorisé la rédaction de cet article, Driss Ajbali a acquiescé. Tenant entre les mains la feuille de salaire, il a reconnu que c’était bien la sienne. Le chiffre d’un million de dirhams par an avancé par Mohamed Ezzouak, pour évaluer ce que le responsable du CCME coûte au contribuable, est donc bien exact. Sur la même feuille de salaire est mentionné le poste exact de Driss Ajbali au sein du CCME, en plus de sa qualité de membre : coordinateur général. Un qualificatif qu’il reconnait donc également de fait. Il a expliqué être en charge de la gestion au CCME, et être «archipolyvalent» selon son propre terme, pas très loin, en somme, d’après le juge lui-même, du terme «électron libre» employé par Mohamed Ezzouak dans son article.
Driss Ajbali reconnaît les faits
Driss Ajbali a également reconnu avoir effectué les deux voyages à Paris et à Phuket en Thaïlande. Le premier est, selon lui, un voyage professionnel visant à rencontrer le président du Sénat français, tandis que le second s’est effectué à ses frais. Comme le prouvent les billets d’avions obtenus par Mohamed Ezzouak, il s’agissait bien de deux voyages en première classe ; «comme tous les membres du CCME», a tenu à préciser Driss Ajbali.
Il a également reconnu avoir reçu les deux mails envoyé par le directeur de publication de Yabiladi.com avant la publication de l’article pour obtenir des explications de l’intéressé lui-même. Le responsable du CCME a toutefois expliqué qu’il n’avait donné aucune réponse car il avait ressenti comme une menace voilée le ton du mail et le fait que d’autres responsables du CCME, dont Driss El Yazami, son président, aient été mis en copie.
Preuves recevables
Plus grave, Driss Ajbali a évoqué l’existence de cabale contre lui dans laquelle Mohamed Ezzouak serait impliqué. Il a évoqué le fait qu’il avait des ennemis au sein du CCME qui lui voulaient du tort, mais s’il a «des soupçons», il n’a pas donné le nom de ces personnes.
Avant que prenne fin, la deuxième audience, un débat s’est déroulé entre les avocats Omar Benjelloun, M. Lahlou et le procureur général du Roi auprès du Tribunal sur la recevabilité les preuves apportées par M. Benjelloun durant l’audience : les billets d’avions et la feuille de salaire. Le débat portait sur leur recevabilité, dans la mesure où elles n’avaient pas été remises dès la première audience. Finalement, le juge les a acceptées. Lors de la prochaine audience, le 19 novembre, Mohamed Ezzouak, en tant que prévenu, et plus marginalement, Driss Ajbali, en tant que plaignant, seront soumis aux questions des avocats.