Il y a 47 ans, jour pour jour, Mehdi Ben Barka héros de l’indépendance marocaine, premier opposant à Hassan II, démocrate et tiers mondiste, disparaissait. Il a été enlevé par deux policiers français devant la brasserie Lipp, à Paris, alors qu’il avait rendez vous avec deux cinéastes qui préparaient un film sur la décolonisation. Personne ne le reverra jamais. Le procès qui suivra en 1966 et 1967 met définitivement en cause les services secrets marocains, mais les plus hautes responsabilités et la part prise par le gouvernement français de l’époque n’a jamais été complètement établie.
[HISTORIQUE de l'Affaire Ben Barka par l'Express]
Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka était l’homme à abattre pour le Maroc et plus précisément pour son roi, Hassan II dont il est a été, un temps, au tout début de sa vie d'adulte, en 1942, le professeur de mathématiques au Collège Royal. A à peine 20 ans, le jeune Mehdi s’engage contre le protectorat français au Maroc. Il est «Dynamo», l'un des fondateurs du parti de l’Istiqlal cheville ouvrière de l’indépendance marocaine. Dans la lutte, il passe deux ans en prison, puis il est isolé dans le sud marocain par la Résidence française.
Il est alors pour le retour au pouvoir de Mohammed V. «Souvenez-vous : depuis le traité du protectorat, depuis le 30 mars 1912, la monarchie était complètement déconsidérée aux yeux du peuple. C’était le «roi des Français» […] Depuis 1943, le Mouvement national a restitué à la monarchie la légitimité qu’elle avait perdue. Puis, par un travail incessant, nous avons rendu le roi non seulement légitime, mais populaire. Nous l’avons fait pénétrer dans les foyers et dans les douars», explique Mehdi Ben Barka dans une interview à Jeune Afrique, en 1963. Ben Barka est libéré en 1954, à la veille de l'indépendance ; il demande le retour au Maroc de Mohammed V.
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Avec l’indépendance, Mehdi Ben Barka s’enrichit d’une première victoire. De 1956 à 1959, il est nommé par le roi président de l'Assemblée consultative du Maroc, puis, jugeant l’Istiqlal trop conservateur, il fonde, en 1950, l’Union nationale des forces populaires et se place déjà dans l’opposition. «[…] nous avons soutenu la monarchie. Mais tout cela à une condition expresse, qui était claire dans l’esprit de tous : créer nous-mêmes une monarchie constitutionnelle où le roi aurait été le symbole de la continuité des institutions et où un gouvernement responsable aurait exercé le Pouvoir», explique Mehdi Ben Barka. Les conditions n’étant pas remplies et face à la répression, il s’exile à Paris, en 1960.
Un an après la mort de Mohammed V, alors que le nouveau roi, Hassan II, présente des gages de bonne volonté vis-à-vis de Mehdi Ben Barka, l’ancien opposant rentre au Maroc, en 1962. Il a tôt fait de revenir à la réalité : il n’est pas le bienvenu. Une tentative de meurtre le mène à nouveau, en 1963, sur les routes de l’exil. Le 22 novembre 1963, il est condamné à mort, au Maroc, par contumace pour complot et tentative d'assassinat contre le roi.
[INTERVIEW à Jeune Afrique, peu avant son second exil]
Après une carrière d’indépendantiste réussi, d’opposant exilé, Mehdi Ben Barka, dans la droite ligne de ses convictions politiques, se rapproche du mouvement tiers-mondiste qui se fait jour, dans les anciennes colonies, en réaction au monde bi-polaire créé par la guerre froide. Il veut fédérer les mouvements révolutionnaires du tiers-monde, tant ceux issus des indépendances, comme le sien, que les mouvements «surgis de la révolution d’octobre» en vue de la Conférence tricontinentale de 1966 à La Havane. Il ne verra jamais la conférence pour laquelle il avait œuvré.
DOCUMENTAIRE Ben Barka : L'Equation marocaine par Simone Bitton et Patrice Barrat