Dans une salle archicomble, où s’entassent à la fois étudiants, industriels et professeurs d’économie, l’arrivée de l’ancien favori socialiste à la présidentielle française se fait sous un tonnerre d’applaudissements. Il faut dire que dans les minutes qui l’ont précédé, plusieurs Monsieur Loyal se sont succédés sur scène pour chauffer à blanc le public : «Applaudissez, montrez des sourires, des belles choses», exhorte ainsi un animateur. Et un autre de souligner «Ce n'est pas une conférence comme les autres. Profitez-en, les yeux du monde entier sont braqués sur nous», rapporte Le Monde.
Face au crépitement des flashs et sous l’objectif des caméras, DSK, qui s’apprête à donner un cours sur «les pays émergents dans la gouvernance mondiale», parait d’abord crispé. Puis, suivant le conseil du patron de l’école privée, qui lui rappelle «vous êtes ici chez vous», l’ancien professeur de Sciences politique ne tarde pas à refaire surface.
«Être ici au Maroc en général et à Marrakech en particulier revêt une dimension spéciale. (...) C'est vraiment mon deuxième pays (...) parce que si je dis mon premier, je vais avoir des ennuis!» lance-t-il avec humour, histoire de souligner ce lien si particulier qui l’unit avec un Maroc où il a grandi et – chose moins connue – dans lequel il continue toujours de faire des affaires.
«Les rencontres du G20 ressemblent à des discussions au coin du feu»
Pédagogue, le «professeur» explique, sans note, les raisons de la crise, indiquant à cet effet que la période est propice aux «mauvaises décisions» et à la «mauvaise gouvernance», en atteste l’exemple de la gestion du «furoncle» grec. Pour raconter la crise et la faillite des institutions, DSK n'hésite d’ailleurs pas à illustrer son topo d'anecdotes personnelles – façon «Gala», s'amuse-t-il –, ponctuant ça et là ses propos d’expressions anglophones bien choisies. Ainsi, lorsqu’il décrit le G20, crée par Bill Clinton du temps où il siégeait pour sa part à Bercy, sous Jospin, il parle d’un «club sympathique», «un peu folklorique» où «les rencontres ressemblent à des discussions au coin du feu». Loin de s’abandonner à la nostalgie, il ne peut toutefois s’empêcher de glisser de furtives critiques à l’encontre des dirigeants : «Ces grands personnages qui nous dirigent ont besoin d'avoir peur pour travailler ensemble. (…) Aujourd'hui, il manque de pilotes, au niveau mondial, au niveau européen» déplore-t-il.
Manifestement soucieux de se remettre en selle – politiquement parlant, l’ancien dirigeant explique que sa visite au Maroc s’inscrit dans un «cycle de conférences» durant lesquelles il a fait «plusieurs propositions» : à Yalta d’abord, en Ukraine, où il était il y a dix jours ; puis en Corée, où il doit se rendre «début octobre».
«A l’époque où je m’intéressais à la politique…»
Afin d’éviter toute question gênante sur ses démêlés judiciaires en France (sa mise en examen pour proxénétisme aggravé dans l'affaire dite «du Carlton») ou aux Etats-Unis (affaire du Sofitel), la direction de l’université avait prévenu les journalistes que «seules les questions des étudiants étaient autorisées», révèle Le Monde. Questions auxquelles le «keynote speaker» s’est adonné dans la bonne humeur. A l’instar d’un Nicolas Sarkozy qui fait, selon les rumeurs, office de conseiller politique de haut rang depuis qu’il a quitté l’Elysée, l’ancien patron du FMI a en outre laissé entendre qu’il était, lui aussi, largement consulté par de hauts responsables politiques : «Lorsque j'ai rencontré encore récemment des dirigeants de pays émergents...»
L’ancien présidentiable n’a, en revanche, visiblement aucune envie de se frotter à la politique française, et il l'a fait comprendre. «A l'époque où je m'intéressais à la politique...», a-t-il ainsi lâché au détour d'une phrase avant d’ajouter, quelques minutes plus tard, «Si demain, j'étais ministre de la santé – ce qu'à Dieu ne plaise...». A noter que Nicolas Sarkozy a, lui aussi, fait le serment de mettre un terme définitif à sa carrière politique. Seulement, voilà : une bête politique, qui vit et meurt de la scène, peut-elle véritablement réussir à s’en passer ?