Marrakech, la cité ocre, est en train de se muer en cité souffre, les autorités de la ville ayant décidé de laisser libre cours à un concept novateur, insolite : la conversion des sites historiques de la ville en pissotières grand public. Les clochards apprécieront, ils en sont les principaux bénéficiaires.
Ainsi, le mausolée nonantenaire -- vieux de 9 siècles -- du sultan Youssef Ibn Tachfine, fondateur de Marrakech, devient-il un dépotoire. Les mausolées des saints patrons Sidi Hamza Kamel et de Sidi Youssef ben Ali se sont progressivement muer, laxisme des pouvoirs publiques aidant, en hôtels pour vagabond. Le confort y est rudimentaire certes, mais le cadre, lui, laisse rêveur.
Dans une enquête publiée, aujourd'hui, vendredi 31 août dans le quotidien «l’Economiste», la journaliste Badra Berrissoule tire la sonnette d’alarme : le patrimoine architectural de Marrakech «est menacé». La ville rouge, qui «compte quelque 900 sites historiques», assiste, selon elle, passivement, depuis plusieurs décennies, à la lente détérioration de son capital historique ; capital qui lui avait pourtant valu d’être consacrée patrimoine mondial de l’UNESCO en 1985.
Appel au secours
Sans surprise, la médina de Marrakech abrite le principal de ce capital en péril. Avec pas moins de 179 mosquées historiques, 250 mausolées et de nombreux palais, dont une bonne partie est dans un état de détérioration avancée, la vieille ville n’échappe pas à l’effet conjugué des intempéries et des déteriorations humaines. Cette situation alarme l’architecte Mohammed Belmejjad qui considère «l’état actuel de plusieurs lieux historiques […] comme désastreux et alarmant». Il appelle la municipalité à intervenir rapidement.
Les guides de la ville réclament, eux aussi, une action concrète de la part des autorités locales. «Montrer un patrimoine délabré aux touristes est à chaque fois un supplice pour les guides», déplore M. Jamal Essadi, président de l’association des guides de Marrakech. «Nous avons alerté à plusieurs reprises les autorités et élus, réclamant vainement une intervention concrète», ajoute-il.
Doper le tourisme local
La politique de la sourde oreille semble être de mise du côté des autorités de la ville car la conscience de la valeur, à la fois historique et commerciale, du patrimoine de la cité n’existe pas encore. Mieux valorisé, celui-ci pourrait pourtant constituer un formidable levier pour le tourisme local ; lequel a accusé un net recul sur le premier semestre de 2012. «De nombreuses villes l’ont compris et misent sur ce lien avec l’Histoire pour attirer les voyageurs amateurs de vestiges et de civilisations anciennes», souligne Mohammed Morabiti, artiste peintre Marrakchi, cité par l’Economiste.
Lorsque des initiatives sont menées, elles le sont de façon tout à fait isolées et éparses, sans aucune coordination entre les différents acteurs politiques concernés. De plus, l’argent manque, à l’évidence. La restauration des remparts de Marrakech, initiée en 2011, a été suspendue suite au non-règlement des sociétés retenues pour le marché. Un arrêt qui a eût l’effet escompté : peu de temps après, la municipalité marrakchia remboursait ses arriérés aux trois entreprises. Les travaux doivent reprendre en septembre.