Yabiladi : Quel bilan faites-vous des Jeux Olympiques de Londres?
Aziz Daouda: Je ne pense pas pouvoir faire un autre bilan que celui que nous impose les statistiques et c’est quasiment celui que la rue, sportive ou pas, a fait de cette participation à Londres. Je suis désolé pour mon pays, surtout que des efforts pour le moins historiques ont été faits au plan budgétaire notamment. Le Maroc mérite bien mieux. Il l’a fait et prouvé par le passé.
En quoi les leçons à tirer seront-elles différentes de celles de l'après-Pékin? Et comment garantir qu'elles produiront des résultats différents?
Pekin a été une alerte. Hélas, certains ont trouvé le moyen d’en minimiser la portée et la gravité. Londres s’est inscrite dans le droit chemin de ce qui s’est passé à Pekin. En sport, il ne faut pas oublier que les échéances sont tout simplement répétitives. Si on avait pris les mesures qui s’imposaient alors, on aurait eu des résultats bien différents à Londres.
La question est maintenant de savoir si effectivement cette fois-ci nous allons nous réveiller. Rio, c’est demain mais avant déjà, toute à l’heure [l’an prochain,ndlr], nous avons un championnat du monde d’athlétisme à Moscou pour ne prendre que ce sport en exemple. Que va-t-on alors raconter aux gens ?
La presse s'est dernièrement faite l'écho de malversations au sein des fédérations marocaines de sport. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A.D : C’est un faux problème. C’est justement ce qui se dit à chaque fois que nous n’avons pas de résultats. Une sorte de maquillage de voiture volée. Le vrai problème du sport au Maroc se situe à un niveau technique. Prouvez que telle fédération ou telle autre a connu des malversations ne réglera pas la question. J’ai comme l’impression qu’en soulevant un problème pareil, on va tout simplement passer à côté de l’essentiel. En sortant certaines décisions de leurs contextes, il est aisé de conclure à des malversations.
Comment garantir plus de transparence dans la gestion du budget des fédérations de sport du pays ?
La gestion est une question de routine. L’Etat, en accordant des budgets, le fait sur la base de programmes et de contrats avec des objectifs. Dans ses prérogatives primaires, il doit en garantir la bonne gestion par un contrôle permanent au quotidien. C’est son rôle ; la loi le lui garantit et le lui impose.
Début août, la commission du sport de haut niveau a demandé à l’ensemble des fédérations de faire appel à l’expertise internationale en engageant des entraîneurs qualifiés pour aider les entraîneurs marocains, mais la majorité des fédérations ont fait la sourde oreille. Pourquoi résistent-elles à cette démarche ?
A.D : Je trouve cette façon de réfléchir inadaptée et étonnante. Nous avons une pléiade d’étrangers en football. Ils nous coutent extrêmement cher et pourtant… Le Maroc a fait parti du gotha sportif mondial avec des cadres marocains et des moyens marocains. La question que doit se poser tout un chacun à tous les niveaux est toute simple : pourquoi ça a marché par le passé et que ca ne marche plus maintenant, alors qu’il y a plus d’argent et de disponibilité ?
Aujourd’hui, d’excellents techniciens et connaisseurs des méandres du sport national sont réduits ou se sont réduits au silence. C’est ceux là qui devraient être écouté aujourd’hui. […] La performance sportive est une expression culturelle et en cela, on ne peut l’importer. Par contre, on doit lui garantir les incubateurs nécessaires, le professionnalisme et l’ambiance qu’il faut. Au risque de me répéter inlassablement : le sport est un métier.
Pourquoi le Maroc ne s'inspire-t-il pas du modèle chinois ou sud-coréen, deux pays qui, en moins de 15 ans, ont réussi à passer du banc des nations à la traîne - sportivement parlant - au rang des 10 plus grandes nations sportives au monde ?
En 1978, on avait promis des médailles aux jeux olympiques de Los Angeles qui devaient avoir lieu 6 années après. Certains se sont moqués, ils ont été déboutés. Depuis, le Maroc a progressé sans arrêt. Une conception, une stratégie et des structures avaient alors été mises en place et elles ont été productives. Pourquoi cette progression a-t-elle été stoppée? Aucun modèle importé ne réussira. Il faut un modèle national, culturellement inspiré. Je vous retourne la question pourquoi n’a-t-on pas capitalisé sur le modèle de l’athlétisme marocain qui a ébahi le monde ? N’oublions pas qu’il y a 10, 15 ans on parlait du Maroc exactement comme on parle de la Jamaïque aujourd’hui. L'Institut National d’Athlétisme était assailli de journalistes et autres curieux du monde entier.
Selon vous, quelle place le Maroc doit-il accorder au sport pour accompagner ses mutations sociales, économiques et culturelles présentes et futures ?
Le sport fait parti de la vie d’un pays, d’une nation. C’est une composante essentielle du développement humain à la base. Maintenant, il y des choix à faire en ce qui concerne les orientations et les options.
L’option activité physique pour tous comme un droit s’impose sans alternative. Il est du devoir de l’Etat et des collectivités de [faire en sorte que] l’activité physique [soit] à la portée de tous. Aujourd’hui, nous en sommes très loin. Pire encore, nous nous en éloignons au quotidien. L’activité physique est un droit inaliénable. Hassan II disait qu’investir dans un stade vous économise d’investir dans les hôpitaux et les prisons.
Maintenant quelle place nous voulons réserver au sport de performance ? Là, nous avons des choix [...]. Il faut se focaliser sur les disciplines pour lesquelles nous avons des atouts, pas les autres. Ou on peut tout simplement aussi estimer que le sport de haute performance coûte très cher et que pour le moment nous avons d’autres priorités.