Vendredi 3 août, à Beni Mellal, 4 jeunes hommes et 2 jeunes femmes, presque nues, se sont faits arrêtés parce qu’il prenait en plein jour et en plein Ramadan un repas sur la voie publique. Un fermier, choqué de les voir manger et fumer à proximité de son champ, a trouvé bon d’avertir les forces de l’ordre de son douar afin que celles-ci viennent interpeller ces fauteurs de troubles à l’ordre publique.
Véniel, ce fait divers passerait presque inaperçu si ce n’était le contexte particulier dans lequel il prend corps : celui de la polémique crée par le groupe Massayminch («Nous ne jeûnons pas») visant à l’abrogation de l’article 222 du Code Pénal. Cet article stipule en effet qu'une rupture du jeûne en public est passible d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à six mois, une sanction que le groupe de dé-jeûneurs considère comme une atteinte aux libertés individuelles, d’opinion en particulier.
«Nous voulons que la loi soit abrogée. Nous ne sommes pas croyants et la société n'a pas le droit de nous imposer ses croyances» affirme à l’AFP Imad Iddine Habib, 23 ans, cofondateur de ce groupe dont la page Facebook compte quelques 350 membres. De fait, ce que ce dernier déplore par dessus tout, c'est «l’hypocrisie» de la société marocaine qui contraint les non-croyants à feindre leur croyance pour ne pas être mis à l’index.
«L'idée est de dire à la société que nous sommes différents et que nous n'avons pas à nous cacher», clame-t-il, avant d'ajouter : «Nous devons apprendre à vivre avec nos différences».
Omar Benjelloun : Massayminch «ne sert pas la cause de la modernité»
«La plupart des gens sont choqués de voir quelqu'un manger dans la rue», convient Omar Benjelloun, un avocat de défense des droits de l'Homme. C’est pourquoi, selon ce dernier, les dé-jeûneurs font fausse route en agissant de la sorte. Le groupe «ne sert pas la cause de la modernité et de la laïcité». Pire, «ils font [même] un cadeau à leurs ennemis» ajoute-t-il.
De ces «ennemis», Mustapha El Khalfi en est. Le ministre de la Communication PJDiste a en effet affirmé à plusieurs reprises qu’il se montrerait «ferme dans l’application de la loi» et qu’aucun passe-droit ne serait accordé aux contrevenants de l’article 222 du Code Pénal.
«Manger en public pendant le Ramadan n’est que provocation»
Le ministre de la Communication n’est toutefois pas le seul écueil qui se dresse sur le chemin de «Massayminch». Le groupe a en effet fort à faire car il lui faut d'abord réussir à convaincre la société marocaine du bien fondé de sa cause. Et là, la partie est loin d’être gagnée. En témoigne le florilège de groupes hostiles au mouvement qui a fleuri sur la toile depuis le début du mois sacré.
«Vouloir montrer que l'on mange pendant le Ramadan en public n'est que provocation. Moi je m'en fous, mais si tu veux manger, rien ne t'empêches de le faire sans provoquer l'ire de deux trois glandus» écrit l’un de leur détracteurs sur un forum de discussion dédié au groupe «Saymine wa Mouslimine» («Jeûneurs et Musulmans»), la contrepartie réactionnaire de «Massayminch» sur Facebook.
Pour d’autres internautes, les discussions autour de l’obligation ou de l’interdiction de jeûner pendant le Ramadan sont subsidiaires, le Maroc ayant des combats bien plus importants à livrer pour le moment :
«Quand vous criez que vous allez MANGER et BOIRE tout au long du ramadan, il y a des enfants (...) qui n'ont pas mangé tout au long de l'année» peut-on lire sur le blog anti-massayminch. La sagesse de la remise en perspective...