Le rapport d’une commission d’enquête parlementaire sur les irrégularités à l’Office de commercialisation et d’exportation (public), présenté hier à la plénière de la Chambre des conseillers vient de révéler un nouveau scandale financier. Des millions de dh de l’argent des contribuables gaspillés dans des prêts accordés à des personnalités politiques, notamment du parti de l’Istiqlal, et du monde des affaires sans la moindre garantie, alors que l'Office n'a pas le statut d'une banque. Preuve en est plus de 216 millions de dh partis en fumée entre 1996 et 2010. En 2007, la direction de l’OCE a entamé un programme visant à récupérer ses créances. Une opération qui a vite tourné au fiasco en dépit, comme le souligne le document, de l’engagement, à cet effet, de trois sociétés de recouvrement.
Un ministre de Benkirane pointé du doigt
Parmi les personnalités ayant bénéficié des largesses de l’OCE, il est lieu de citer Ali Kayyouh, grand agriculteur de la région du Souss, membre de la Chambre des Conseillers et surtout père de l’actuel ministre de l’Artisanat, Abdessamad Kayouh. Ce dernier, membre du conseil d’administration de l’OCE, a également eu un prêt. Dans le détail, le rapport de la commission d’enquête révèle que l’OCE a accordé au père un crédit de 11.574.364,95 dh et au fils 1.485.218,28 au titre de la saison agricole 2002-2003 sans qu'ils aient remboursé leurs dettes. Immédiatement, après que son nom ait été cité dans le scandale de l’OCE, le ministre de l’Artisanat a, bien entendu, tout nié en bloc, accusant des parties, sans les nommer, de "vouloir ternir son image" et lui "porter atteinte".
Des biens de l’OCE cédés à des prix dérisoires
La mauvaise gestion a été érigée en norme à l’Office de commercialisation et d’exportation. Une gabegie ayant eu des répercussions négatives sur l’assise financière de 12 sociétés relevant de l’OCE. Dont certaines ont cessé leur activités alors que d’autres ont été tout simplement liquidées ou cédées à des prix dérisoires au privé.
Le rapport cite, à cet effet, l’exemple de la société Frumat, connue pour sa production des jus Miami, dont les actions ont été dévaluées de 94% lors de sa vente. La même politique a été suivie avec des biens immobiliers de l’OCE. Des villas vendues à des membres du conseil d’administration à des prix défiant toute concurrence. Le rapport cite l’exemple de la villa Loupée donnée en «cadeau» au directeur financier et administratif pour la modique somme de 40 mille dh.
Par ailleurs, le montant global des dettes accordées à des privilégiés s’élève à 415 millions de dh dont plus de 255 millions de dh sont mentionnés, dans le document, comme étant des «créances douteuses».
Y-aura-il des poursuites judiciaires ?
Dans sa mission, la Commission s’est appuyée sur des rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection général du ministère des Finances. Avec la présentation, hier, du rapport sur l’OCE se termine une phase marquée par une vive tension politique entre le PAM et l’Istiqlal, et ce, avant même la constitution de la commission d’enquête. Le déclenchement de la seconde phase dépendra de la volonté du président de la Chambre des conseillers, Mohamed Cheikh Biadillah.
Il est le seul habilité à demander au parquet d’engager des poursuites judiciaires contre les personnes mises à l'index dans le rapport. Mais dès hier, les conseillers de l’opposition ont réclamé, à l’unisson, le jugement des responsables de la mauvaise gestion au sein de l’OCE. Un scandale qui n’est pas sans rappeler ceux du CIH au milieu des années 90 et de la CNSS (caisse nationale de la sécurité sociale).
L'OCE a été créé en 1965. Autrefois, un passage obligé pour les exportations de produits agricoles et alimentaires, mais qui s’est métamorphosé au fil des années en coquille vide surtout depuis la libéralisation des exportations intervenue en 1986.