Si certains MRE d'Espagne retournent définitivement, la plupart n’envisagent qu’un retour temporaire au «bled», le temps de laisser passer la crise. Mais une toute autre catégorie voit le jour. Ceux qui retournent se faire de l’argent, de sorte à soutenir leur famille restée en terre espagnole. C’est le cas de Nurdin Fakir Salhi, rapporte le quotidien espagnol El Mundo. Il a immigré en Espagne il y a 25 ans, alors âgé de 16 ans. Pendant toutes ces années, Nurdin a acquis une position sociale, a fondé une famille. Mais la crise l’a complètement mis sur le carreau. «Cela fait déjà six mois que je ne peux pas payer l'hypothèque», confie-t-il au quotidien espagnol EL Mundo. Il est retourné à Tanger, sa ville natale, où il a ouvert un magasin. Cette activité lui permettra de payer l’école de ses enfants en Espagne. Pour ce quarantenaire, c’est un «retour à la case départ», mais il espère que cela ne durera pas tout le temps qui lui reste à vivre. «Ma vie est en Espagne, où j'espère retourner un jour. Ma femme et mes enfants y sont», dit-il.
Les Marocains sont les migrants les plus touchés par la crise en Espagne. En effet, près de 50% des 800 000 MRE actifs sont au chômage. Récemment, des familles optaient pour le retour des épouses et des enfants en bas âges. Ainsi, les époux pouvaient rester en Espagne pour chercher du travail et envoyer des devises au Maroc. Mais la difficulté d'adaptation et d'insertion scolaire de ces enfants nés en Espagne a poussé les parents à venir chercher du travail au Maroc en gardant leur famille dans le pays d'accueil, confie à El Mundo Ali El Karkri, membre du réseau des associations de développement local à Larache (au nord du Maroc où les populations sont le plus concernées par l'immigration en Espagne). Ce militant associatif confirme qu'il y a eu de nombreux retours ces derniers temps. Et ce sont les transferts de devises qui vont en pâtir.
Les entrées de devises mises à mal
De manière générale, les MRE constituent la première source de devises pour le pays. Même si les Marocains de France restent ceux qui transfèrent le plus de devises vers le Maroc avec 63% des envois de fonds au Maroc, ceux d’Espagne participent à hauteur de 11%. Leur retour définitif ou temporaire amoindrira davantage leurs transferts de fonds. Et si l’effet papillon se produit, ce sera encore plus grave. Sachant qu’en Italie la situation est presque similaire. De nombreux Marocains ont déjà décidé de revenir au pays. Si l’investissement au Maroc en vue d’aider les familles dans les pays d’accueil s’avère soulageant, les MRE d’Italie pourront s’intéresser à cette solution.
Quoi qu’il en soit, le soutien financier aux familles restées dans le pays d’accueil entrainera une hausse des sorties de devises en même temps qu’une baisse des entrées. Pourtant, il est connu d’office que le Maroc n’a surtout pas besoin de cela en ce moment. La conjoncture économique fortement défavorable, les entrées de devises en provenance des MRE sont cruciales en ce sens qu’elles permettent d’équilibrer la balance des paiements. Et ce n’est pas tout. Même pour les banques, l’argent des MRE joue un rôle non négligeable. En effet, en terme de clientèle, «les MRE représentent 14% des ressources du secteur bancaire», rapporte l’Economiste.
Depuis que le Maroc s’est dit prêt à aider les MRE fortement touchés par la crise, aucune solution concrète n’a pour l’instant été mise en place, alors que il s’agit là d’une urgence pour l’économie du pays.