A quelques jours de la commémoration du 90ème anniversaire de la bataille d’Anoual (le 21 juillet), Rabat compte inviter Madrid à ouvrir un dialogue sur le recours au gaz chimiques par l’armée espagnole durant la guerre du Rif (1921-1927). L’annonce a été faite hier, lors de la session des questions orales à la Chambre des représentants, par le ministre des Affaires étrangères, Saad Dine El Otmani. Devant les députés, le chef de la diplomatie a souligné que l’utilisation des armes interdites «est une responsabilité de l’occupant», une référence plus que transparente à l’Espagne.
Par ailleurs, le chef de la diplomatie s’est montré convaincu que l’Espagne «ne s’opposera pas à une telle initiative» qui s’inscrit «dans le cadre de l’accord stratégique entre les deux pays.» El Otmani a assuré que la position de l’équipe Benkirane sur cette question est identique à celle adoptée par les précédents gouvernements quelques soient leurs couleurs politiques. Pour le moment l’exécutif du voisin du nord n’a émis aucun communiqué ni manifesté aucune réaction à cette invitation marocaine.
Il s’avère que l’Histoire ne partage pas l’optimisme de ce membre du gouvernement Benkirane. Les années 80 du siècle dernier ont connu une initiative similaire de la part de feu Hassan II à l’adresse des autorités espagnoles en vue d’ouvrir un dialogue sur l’avenir de Sebta et Mélilia. Trente ans plus tard, Madrid refuse toute rétrocession ou l’idée d’une co-souveraineté sur les deux villes.
Comment l’Espagne pourrait-elle initier un dialogue avec le Maroc sur l’utilisation des gaz chimiques au Rif alors qu’elle a autorisé au juge le plus célèbre, Balatazar Garzon, d’enquêter sur les fosses communes franquistes durant la période de la guerre civile (1936-1939) dans lesquelles ont péri au moins 100.000 personnes. Deux ans après le décès de Franco, ces crimes contre l'humanité ont été couverts légalement par une loi d'amnistie générale votée en 1977.
Difficile de briser la loi de l’omerta
Anticipant de cinq année l’initiative marocaine, une formation politique espagnole a osé briser la loi de l'omerta entourant l’utilisation des gaz chimiques au Rif. Février 2007, le parti catalan Gauche républicaine (Izquierra republicana) présentait à la Chambre basse du parlement espagnol une proposition de loi appelant notamment Madrid à assumer sa «responsabilité» dans l'utilisation des armes chimiques dans le Rif par l'armée espagnole.
Le document avait appelé ouvertement l'Etat espagnol à demander «pardon» aux victimes des actions militaires commises par les armées du général Franco «sous les ordres de son autorité suprême, le roi Alfonso XIII». La proposition de la formation catalane avait été catégoriquement rejetée par les deux grands partis, le PP (à l’époque à l’opposition) et le PSOE. L'issue de l'initiative de la Gauche républicaine était prévisible. La cure d'amnésie collective administrée, depuis le décès de Franco, à tous les Espagnols ne pourrait en aucun cas s'accommoder avec les objectifs déclarés d'un tel projet de loi.