478 «Non», 39 «pour» et 165 abstentions, les députés européens ont pu, grâce à ce vote empêcher l’adoption européenne de l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA). Ce vote survient après trois ans de mobilisation des détracteurs du texte en Europe. En effet, des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre l'accord, et une pétition contre Acta a recueilli 2,8 millions de signatures, rapporte AFP. Ces dernières semaines, toutes les commissions parlementaires consultées s'étaient déjà prononcées contre le traité. Il lui était reproché son caractère «vague» et donc «dangereux» pour les libertés individuelles. L'un des points les plus controversés était, selon les opposants, la possibilité offerte aux fournisseurs d'accès à internet de donner aux ayants droit des œuvres les adresses IP des internautes soupçonnés de téléchargement illégal.
Pour rappel, l'ACTA a été signé en janvier dernier par 22 des 27 gouvernements de l'Union européenne, ainsi que par les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Corée du Sud, la Suisse, le Mexique et le Maroc. Et le Royaume chérifien a toujours montré un grand intérêt pour cet accord.
Maroc convaincu…
Le Maroc a paraphé cet accord le 1er octobre à Tokyo. Aujourd'hui, l'ancien ministre du Commerce, Ahmed Reda Chami, en tant que signataire du traité, reste convaincu. «Cet accord reste une bonne chose pour l'économie marocaine à moins qu'il y ait des atteintes aux libertés fondamentales qui nous aient échappé», a-t-il déclaré à Les Echos.
Pour l’actuel ministre, Abdelkader Aâmara, «l’ACTA a le mérite de mettre en avant des dispositifs pour fournir aux autorités compétentes des informations sur la violation des droits d’auteur, et cela est très important». M. Aâmara considère que le Maroc dispose des moyens juridiques pour appuyer ce traité, faisant allusion aux textes de loi sur la violation des droits d’auteur. «Je ne pense pas que le législateur marocain doive s’aligner sur l’Europe», a-t-il déclaré.
… mais adopte une position attentiste
En principe, le véto européen ne signe pas officiellement la mort de l'accord pour les autres pays qui l'ont signé. Même si un spécialiste en droit de la propriété intellectuelle comme le juriste allemand Axel Metzger pense qu’il y a risque de «vacillement» dans le cercle des défenseurs de l’accord dans les autres pays.
Ce traité doit s'appliquer une fois que six Etats au moins l'auront ratifié, ce qu'aucun d'entre eux n'a fait pour le moment. Le Maroc devait s’y prendre le 14 juin dernier lors du Conseil du gouvernement. Seulement les députés l’ont remis à une date ultérieure, « en attendant que les développements de la question au niveau international, notamment des partenaires du Maroc», avance une fiche technique interne au ministère du Commerce.
Il faut dire que le Maroc est très concerné par le fléau de la contrefaçon, très prononcée dans la vente des DVD. Mais les professionnels de l’informel marocain n’ont jamais cru en l’application des dispositions de l’ACTA au Maroc, puisque du plus nanti au plus modeste, du plus avisé au moins avisé, tout le monde se rend dans à Joutia (Rabat) ou à Derb Ghallef (Casablanca) pour obtenir un DVD à 10 dirhams. Et l’ouverture de la Fnac au Morocco Mall n’a pas réussi à inverser la tendance. Maintenant que le Royaume adopte une position attentiste, que fera-t-il si ses partenaires jouent la carte européenne ?