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Grand Angle  

France : Deux condamnés marocains sur la voie d'une réhabilitation historique

Condamnés à 20 ans de réclusion criminelle pour meurtre, les français d’origine marocaine, Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri, sont tout près d’entrer dans les annales des erreurs judiciaires françaises. Grâce à l’obtention, hier après-midi, d’une saisine de la Cour de révision sur leur condamnation, les deux hommes sont en effet en passe de devenir le 8ème cas d’acquittement recensé en France depuis 1945. 

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Abdelkader Azzimani (à droite) et Abderrahim el-Jabri (à gauche) s'enlaçant suite à l'annonce de la décision de la commission de révision des condamnations pénales
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Le sort d’une vie entière peut parfois tenir à de minuscules détails. Ou à un simple geste. Comme celui, par exemple, d’une greffière empêchant aux scellés d’une enquête pour meurtre d’être détruits. Une injonction routinière, d’apparence anodine, mais qui, suivant la théorie de «la cause infime aux grands effets», peut s’avérer, dans certains cas de figure, déterminante pour l’avenir de personnes promises à un triste sort. En atteste l’histoire présente vécue par les français d’origine marocaine, Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri.

Rappel des faits

1997, Lunel, dans l’Hérault. Abdelaziz Jhilal, un petit dealer de cannabis de 22 ans, est lardé de 108 coups de couteau et meurt, quelques heures après, de ses blessures. Au départ de l'enquête, tout accuse Azzimani et el-Jabri, identifiés par un témoin comme les auteurs du crime. Eux-mêmes reconnaissent avoir été parmi les derniers à rencontrer la victime à qui ils venaient de livrer cinq kilos de cannabis. Ecopant de six ans de prison pour trafic de stupéfiants, ils sont jugés et condamnés en 2003 à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Jhilal. Une peine confirmée en 2004 en appel, et ce, malgré une étrange requalification du chef d'accusation en «complicité» d'homicide. 

La partie semble alors définitivement jouée pour les deux inculpés. Mais voilà que tout bascule 10 ans après lorsque des traces d'ADN, recueillies sur l’une des pièces à conviction conservée par la greffière, sont versées au fichier des empreintes génétiques du dossier. Et l’ADN ne tarde pas à parler : il correspond à celui d'un manutentionnaire de 30 ans, placé en garde à vue quelques temps plus tôt dans une petite affaire de drogue. L’enquête, d’ores et déjà rouverte en 2009 suite au revirement de l'extravagant témoin à charge, est complètement relancée. En 2011, l'homme et son complice, les vrais coupables, finissent par avouer le meurtre sur Jhilal. 

Le huitième acquittement depuis 1945 ?

Retour au présent. Après respectivement 11 et 13 ans de prison, Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri viennent finalement d’obtenir hier, lundi 1er Juillet, la saisine de la Cour de révision des condamnations pénales, rapporte le Monde. L’instance devrait décider, dans les mois qui viennent, si oui ou non, il y a lieu d’annuler la condamnation prononcée à leur encontre en 2003 et d’ordonner un nouveau procès. Cette révision extrêmement rare – la  neuvième de l’histoire française – devrait, si elle aboutissait, déboucher sur le huitième acquittement recensé en France depuis 1945. 

Du côté des deux marocains, l’enjeu n’est pas tant historique que personnel. En liberté conditionnelle depuis 2009 et 2011 respectivement, Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri ont passé plus de 10 ans derrière les barreaux, et 15, dans les affres procédurales de cette macabre affaire : «J'y ai toujours cru. Mais quinze ans c'est long, c'est très long, surtout quand on est innocent. Ma première pensée va à mon père qui est mort il y a pas longtemps. Je n'ai pas pu le voir»   déclarait, ému, El-Jabri aux journalistes présents à la lecture de la décision rendue hier par les magistrats de la commission de révision des condamnations pénales». «Content», l’homme de 47 ans a dit qu’il se sentait également «vidé» par toutes ces années de lutte acharnée : «vous parlez avec vos tripes et l’on ne vous entend pas» confiait-il à Libération. Une indifférence qui , plutôt que de le laisser amer, n’a fait que nourrir sa détermination à rétablir la vérité vaille-que-vaille dans cette affaire.

Désormais dans l’expectative de la saisine effective de la Cour de révision, El-Jabri ne souhaite qu’une chose : «j'aimerais un procès pour être définitivement lavé de tout soupçon» révélait-il, ce matin, au micro d'Europe 1. Pour cela, il lui faudra néanmoins patienter encore quelques mois, même si tout indique d’ores et déjà que sa réhabilitation et celle d'Azzimani sont déjà quasi-établies. Et dire que sans le geste de la greffière, les deux ex-futurs accusés croupiraient certainement encore derrière les barreaux à l’heure qu’il est. Combien sont-ils, prisonniers, à un geste près de l'innocence et de la liberté ?

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