Aujourd’hui, le racisme est porté par des hommes politiques qui en ont fait leur fonds de commerce. Quoi de plus efficace pour booster une cote de popularité que de porter le doigt accusateur sur ces «hordes d’africains» à l’assaut des citadelles imprenables ? Quoi de plus efficace que de réveiller Gobineau, de réhabiliter de faux laïcs acquis à la thèse du racisme primaire qui part du postulat des races supérieures et des races inférieures. Où en sommes-nous donc, nous marocains, par rapport à cette question du racisme ? Le meurtre, il y a quelques jours, d’un jeune malien à Rabat pour des motifs racistes nous interpelle sur nos rapports à l’Afrique subsaharienne.
En cela, je condamne l’attitude des partis politiques et des leaders d’opinion qui ont préféré le silence et la politique de l’autruche à la réaction courageuse et ferme. Quoi, attendent-ils encore des instructions officielles après le printemps arabe pour faire connaître leurs opinions ? Pour un pays qui compte des millions d’immigrés dans le monde, et qui s’enorgueillit de ses frontières historiques et géographiques qui se prolongeaient jusqu’à Tombouctou, une telle attitude est inexcusable. Ce n’est pas à l’image de l’arbre Maroc tel que défini par feu Hassan II, cet arbre dont les cimes bruissent dans le ciel de l’Europe et qui plonge ses racines dans la sève nourricière de la terre africaine.
La tolérance dans l'histoire du Maroc
Nous le disons haut et fort, un tel silence, petit et obscur de la part du gouvernement islamiste et de ses contempteurs, cadre mal avec l’image de ce Maroc qui avait rétorqué à Feu Mobutu Sese Seko : «Si vous fondez votre Ligue des Etats Noirs, nous serons le premier à y adhérer», ce Maroc qui avait été à la conférence de Bandoeng, à ses risques et périls, ce Maroc membre fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine, ce Maroc où Houphouët Boigny, Sekou Touré, Léopold Sedar Senghor, Omar Bongo et bien d’autres, venaient se reposer pour parler de l’avenir du continent. Qu’est-ce que c’est donc que le Maroc, messieurs les politiques ? Tout sauf une urne électorale, tout sauf un parfum de printemps arabe qui n’embaume plus, à ce qu’il paraît.
La classe politique et les leaders d’opinion en général sont-ils en rupture avec l’histoire du Maroc ? Ignorent-ils que leur Souverain, durant le grand pogrom anti-juif, avait refusé de livrer les citoyens marocains de cette confession au gouvernement de Vichy ? Il est temps que partis politiques, syndicats et autres acteurs de la société civile se ressaisissent et se réconcilient avec les valeurs de tolérance et d’humanité qui constituent le socle de l’islam soufi pratiqué dans ce royaume depuis des lustres.