Comme nous vous l’annoncions fin mai, le bureau international de consulting en finance islamique IFAAS (Islamic Finance Advisory & Assurance Services) lançait début juin au Maroc une étude indépendante visant à identifier les opportunités offertes par le royaume en matière de finance islamique, et surtout, à mesurer l’intérêt de la population marocaine vis-à-vis des produits financiers conformes à la Charia. Aujourd’hui close, l’enquête livre ses premiers résultats.
Epargne islamique : «Un potentiel qui échappe totalement au circuit bancaire»
Principal constat du rapport : l’intérêt majeur de la population marocaine vis-à-vis de la finance islamique. En effet, selon les résultats de l’étude IFAAS, 94% des marocains se disent intéressés par l’idée d’épargner leurs avoirs dans des banques vertes. Comme le fait remarquer M. Boubkeur Ajdir, directeur de projets (DP) au sein de l’IFAAS, au journal l’Economiste : «ce chiffre montre tout le potentiel d’épargne qui échappe totalement au circuit bancaire traditionnel, souvent pour des raisons de convictions éthiques et religieuses». En ce sens, M. Adjir ajoute que «la prédisposition à souscrire aux produits islamiques pourrait être rapide si les conditions sont réunies». Et pour cause, le rapport de l’étude révèle en effet que près de 70% des personnes sondées se disent attirées par les produits d’épargnes portant l'estampille islamique et, 88%, intéressées par les produits financiers conformes aux préceptes religieux. Seulement, comme le rappelle le DP d’IFAAS, «des conditions doivent être réunies» pour révéler ce potentiel, parmi lesquelles la mise-à-niveau de la compétitivité, de la tarification et de l’innovation en termes de marketing et de commercialisation du secteur bancaire islamique. «L’innovation doit […] être au centre des préoccupations des banques afin de concevoir les produits adéquats répondant aux besoins de la clientèle et contribuant à la croissance économique du pays» prévient-il.
Renforcer l’attractivité de la «Charia Compliance»
Par «produits adéquats», M. Adjir entend des produits personnalisés calibrés sur les profils d’épargne de chaque client : «Les financiers devront identifier les bons pools d’actifs sous-jacents qui offriront une performance intéressante et qui se marieront avec les critères de montant et de durée d’immobilisation des dépôts de la clientèle» préconise-t-il. L’idée du jeune directeur parait opportune dans la mesure où l’étude IFAAS démontre bien une prédisposition des consommateurs à souscrire aux produits islamiques, notamment en termes de prix, de capacité d’épargne régulière et de sensibilité aux aspects liés à la dimension religieuse.
Si elle se traduit dans les faits, l’introduction de la finance islamique ne manquera pas de rehausser le taux de bancarisation au Maroc. Et pour cause, l’encours des produits islamiques du pays ne représente que 0,1% de l’actif bancaire total, ce qui est très peu en comparaison aux 4,9% de ce qu’il représente en Egypte. M. Adjir explique ce retard par le fait qu’au Maroc, l’offre est encore trop limitée par rapport à la demande: «nous sommes, a priori, d’avantage face à un marché de l’offre qu’a un marché de la demande» indique-t-il. Ce décalage entre l'offre et la demande n’a évidemment rien d’hasardeux. Il est le corollaire d’une politique gouvernementale qui n’a jamais caché son hostilité vis-à-vis du développement de la finance islamique dans le royaume.
A ce titre, rappelons que Bank Al Maghrib a, à plusieurs reprises, tenté et réussi à barrer la route au développement des banques islamiques en provenance des monarchies du Golfe. Ce faisant, depuis l’arrivée du PJD au pouvoir, il semblerait que la donne ait changé et que BAM pourrait se montrer plus disposée pour une ouverture islamico-financière du royaume.