Ce jeudi matin environ 80 marins de la Comarit ont observé un sit-in devant le consulat du Maroc à Algésiras. Tous bloqués dans le port d’Algéciras depuis la saisie des ferries de l'armateur marocain en janvier dernier, ils ont exprimé leur ras-le-bol et réclament l’intervention du gouvernement. Ils ne s’arrêtent pas là. Pour garantir leurs droits, ils ont décidé de recourir à la justice avec le soutien de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). Les actions sont menées parallèlement au Maroc et en Espagne. «Cela fait plus de 20 jours que nous travaillons sur le volet juridique en Espagne, parce qu’ici [en Espagne, ndlr], la procédure est un peu compliquée lorsque la compagnie est connue», explique à Yabiladi Mohamed Arrachedi, chargé du dossier Comarit à l'ITF à Algésiras. «Au Maroc, un avocat est chargé des procédures juridiques à Tanger», ajoute-t-il.
Chaos total
A bord de l’Ibn Batouta, l’Al Mansour, du Banasa et du Boughaz, les marins ont passé trois jours sans gasoil. Et depuis plusieurs semaines, ils n’ont pas reçu de vivres. Ces hommes souffrent. Les cotisations sociales n’ont pas été payées depuis deux ans, la mutuelle non plus, fait savoir M. Arrachedi. Des dettes qu’ils croyaient réglées depuis longtemps s’avèrent aujourd’hui non recouvertes parce que l’armateur ne versait rien aux banques. Celles-ci invitent les familles à quitter les maisons faute de traites impayées depuis plusieurs mois. Pire, «certaines épouses retournent chez leurs parents parce que leurs maris n’envoient pas d’argent. Vous imaginez la pression !», remarque M. Arrachedi, ajoutant que tout ceci a un impact sur la santé des hommes d’équipage de la Comarit. Déjà, lors d'une conférence de presse organisée par l'ITF en février dernier, certains n'arrivaient pas à retenir leurs larmes.
Le gouvernement doit réagir
Pour l’ITF, c’est «intolérable» que des gens qui n’ont pas été payés depuis six mois soient dans des conditions de vie comme celles-là. «Il y a un grand point d’interrogation. Pourquoi le gouvernement ne réagit-il pas ?», s’interroge M. Arrachedi. Le responsable syndical reconnait que l’armateur est complètement responsable de cette situation. «Mais quand il ne fait rien pour des raisons financières, les marins ont tout de même une nationalité. Il y a donc un problème de personnes de nationalité marocaine qui sont dans un pays étranger et qui n’ont pas à manger. C’est grave, s’alarme-t-il. Dans ce cas, il n’y a pas d’excuses, parce que l’affaire est médiatisée. Tout le monde est au courant de ce que vivent ces braves gens».
«Nous sommes une organisation internationale, nous connaissons la complexité du secteur maritime et les difficultés qu'on peut y rencontrer. Mais quand on voit que la situation des marins au-delà de l’aspect salarial, on s'aperçoit que c'est devenu une affaire humanitaire», juge M. Arachidi.
Le mercredi 16 mai dernier, Samir Abdelmoula, DG de la Comarit, a adressé un courrier aux marins dans lequel l’armateur promettait de régler leur problème dans les trois semaines à venir. «Mais depuis, M. Abdelmoula n’a plus fait signe», assure déçu le représentant syndical.
Le ministre des Transports, Aziz Rabbah, et le ministre de l'Emploi, Abdelouahed Souhail ont dernièrement fait le déplacement à Sète. Mais jusqu’ici, les autorités ne se sont pas encore prononcées sur le cas d’Algésiras. Pourtant, c’est jusqu’à quatre ferries qui y sont bloqués depuis cinq mois maintenant ainsi que les hommes d’équipage de la Comarit. Mohamed Arrachedi a essayé de rencontrer M. Rabbah lors de son séjour à Sète pour plaider en faveur des marins «abandonnés» dans le port espagnol, sans succès, fait-il savoir.
L’action en justice vise non seulement à faire réagir le gouvernement, mais aussi à garantir les droits des marins une fois le conflit résolu. Cette action porte sur trois principales réclamations à savoir :
- Dénoncer la situation humaine et le manque de vivres : l’ITF considère aujourd’hui la situation des marins de la Comarit comme un «cas d’abandon».
- Dénoncer la passivité du gouvernement marocain : «nous on dit que même si le gouvernement n’est pas responsable de ce qui s’est passé, , il a tout de même la responsabilité d’agir pour assurer le bien-être de ses ressortissants.
- Faire connaitre au grand public espagnol et marocain ce qu’est la véritable situation des marins de la Comarit dans le port d’Algésiras.