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Tribune

A nos anciens combattants : « Nous n’oublierons jamais»

Le hasard a voulu que je sois invité, en 2006, à la cérémonie de commémoration du 90ème anniversaire de la «Bataille de la Somme» (Nord de la France) ; inscrite dans les annales militaires comme l’une des batailles les plus meurtrières qu’a connue l’Europe (1 060 000 victimes, 442 000 morts ou disparus). Je garde de cette visite, et de celles qui ont suivi, un souvenir indélébile.

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La visite des différents lieux de mémoire (musés, cimetières, mémorial, nécropoles) qui jalonnent les champs de cette bataille (villes d'Albert, Péronne et Bapaume.) ne laisse, en effet, personne indifférent. Elle suscite une émotion particulière. C’est le recueillement et le silence qui s ‘imposent devant ces milliers de stèles de soldats de cultures, d’origines et de confessions différentes, côte à côte, unis dans la mort après avoir partagé les conditions inhumaines des tranchés et les atrocités d’une guerre, la première, faite au nom d’une prétendue supériorité militaire et culturelle.

Une phrase gravée à l’entrée de l’une des nécropoles qui dit : "Nous n’oublierons jamais", me revient aujourd’hui à l’esprit et m’interpelle en ce jour de commémoration du 67ème anniversaire du 8 mai 1945 (acte de capitulation de l'Allemagne nazie devant les armées alliées). Autre guerre (la seconde) autre sacrifices.

Qui se soucie de nos jours d’entretenir la mémoire et le souvenir de ces milliers de fantassins, chasseurs, zouaves, cuirassiers, tirailleurs «sénégalais» (du Congo, du Soudan, de la Côte d’Ivoire, du Maroc…), ou indochinois venus défendre l’honneur de la France et dont les tombes emplissent ces nécropoles ?

Mises à part ces stèles de pierre qui trônent à l’entrée des cimetières militaires, où sont gravés des noms à connotation africaine et maghrébine, que reste t-il dans les livres d’histoire du souvenir de ces soldats venus des colonies   défendre la liberté et l’honneur de la France ?

En ces lieux de mémoire où la fraternité et la solidarité sont gravées à jamais dans le marbre, où le récit du courage des combattants musulmans impose le respect, les discours xénophobes et lepénistes, les lois discriminatoires qui fusent en France, apparaissent dérisoires et malvenues.

Devant ces stèles  qui égrènent les noms de soldats étrangers morts pour la France et dont "le courage, le sacrifice suprême et le dévouement à la liberté" sont cités en exemple, les images déformées et les représentations réductrices des jeunes issus de l’immigration, dont la télévision française nous a abreuvé ces derniers temps, deviennent ridicules et décalées.

Loin de ces lieux de mémoire et ces champs de bataille, ce sont d’autres considérations et réalités, politiques et électorales, qui prévalent. L’immigré, c’est d’abord l’éventail que l’extrême droite brandit pour semer l’inquiétude, la haine et le trouble dans les cœurs et les esprits. C’est la «figure» inquiétante du déviant, du terroriste, de l’islamiste, de l’assisté, que les médias mettent en exergue et scène  pour faire de l’audimat.

Quel destin que celui de ces milliers d’immigrés descendants des tirailleurs marocains et sénégalais  morts pour l’honneur de la France !!!

Quelle trajectoire que celle de ces fils d’ouvriers des chaînes de montage et des mines du charbon du Nord, aujourd’hui relégués socialement et cantonnés dans les secondes zones (ZEP, HLM, ANPE…) !!!

Quel parcours que celui de ces générations d’immigrés témoins impuissants d’une inexorable évolution qui les a conduit «des premières lignes» des champs de batailles, aux bidonvilles et quartiers les plus défavorisés des grandes villes françaises… !!!

Les élections législatives des 10 et 17 juin prochain sont décisives à plus d’un titre, eu égard à la situation paradoxale et inacceptable de nos anciens combattants et Seniors, OS des usines de Renault-Peugeot ou ouvriers des mines du Nord. C’est l’occasion de rappeler aux partis et aux politiciens français, de tous bords, les injustices qui leurs sont faites sur ce sol français pour lequel ils ont combattu et tant donné pour qu’il retrouve, en 14-18 comme en 39-45, son honneur et assure sa prospérité.

Ces législatives, ne sont-elles pas l’occasion pour les jeunes générations d’immigrés de raviver le souvenir de leurs ancêtres et rappeler le sacrifice des ces milliers de combattants, asiatiques,  africains et maghrébins morts pour que la France vive dans la liberté et l’honneur ?

Jusqu’à quand ces mêmes immigrés resteront-ils les «beurs de service» et les «roues de secours» des carrosses de partis politiques, de gauche ou de droite, peu enclins à respecter leurs engagements et rendre effectifs cette égalité devant la citoyenneté qu’ils ne cessent de proclamer ?

Bon an mal an, les combattants africains ont laissé sur les champs de bataille plus de 100.000 morts au combat ou par maladie (36.000 Nord-africains et 30.000 Africains noirs). N’oublions donc jamais ce qu’ils ont enduré comme souffrance dès juillet 1916, lors de la terrible «Bataille de la Somme», durant l’été 1918 à Château-Thierry, dans le bois de Courtons (10ème D.I. Coloniale), sur la montagne de Reims (1er Corps d’Armée Coloniale) et pendant l’offensive Mangin (R.I.C.M.), 

Souvenons-nous d’eux, de leur courage et de leur sacrifice pour la France, montrons et prouvons que «Nous n’oublierons jamais ».

Tribune

Mohammed Mraizika
Chercheur en sciences sociales et en ingénierie culturelle
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