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Grand Angle

Maroc - Affaire Mohamed Erraji : "L'internet n'est plus un espace de liberté"

Le blogueur Mohamed Erraji a été condamné à 2 ans de prison et 5000 Dh d'amende, lundi dernier, lors d'un procès expéditif au tribunal d'Agadir. (voir notre premier article) Il a été accusé pour "manquement au respect dû au roi", dans un article publié sur le site arabophone Hespress.com, sous le titre « le Roi encourage le peuple à être paresseux ».
Saïd Essoulami, directeur du centre CMF Mena (1) réagit à cette "catastrophe pour la justice et la liberté d’expression au Maroc".
Publié
- Yabiladi : Que retenez-vous de cette nouvelle affaire de privation de liberté suite à l'utilisation d'Internet comme moyen de pensée et d'expression?
- Saïd Essoulami :
Il faut savoir qu’aucun moyen d’expression n’échappe maintenant au contrôle des autorités marocaines. L’Internet n’est plus un espace de liberté d’expression comme par le passé. Les limites qui s’imposent déjà à la presse écrite et l’audiovisuel commencent à s’implanter tout doucement dans l’Internet. Le problème majeur de la liberté d’expression au Maroc, c’est le statut du sacré de la personne du roi, et ainsi toute critique peut être considéré comme un manque de respect. Ajouter à cela, l’excès de zèle des autorités judiciaires et en particulier de certains juges qui sont plus royalistes que le roi. J’ai lu l’article et je trouve qu’il critique un phénomène qui a été traité maintes fois dans la presse écrite, surtout les affaires de détournement des cadeaux que le roi a offert à certains citoyens. L’article n’a pas attaqué la personne du roi, il a critiqué un système et l’auteur a demandé plus de transparence dans les critères. Aussi, forcer le journaliste a donné son mot de passe email pour fouiner dans ses messages, c’est une pratique qu’on exerce que dans les pays dictatoriaux ou dans des situations pour prévenir un acte de terrorisme.

- Selon vous, pourquoi  l'Etat a-t-il traité cette affaire de manière expéditive?
- C’est une violation pure et simple du droit à une justice équitable. Les droits fondamentaux du journaliste ont été purement et simplement bafoués. Comment le juge peut-il accepter qu’un accusé lui soit présenté sans être défendu par un avocat au moment au tout le monde parle de la réforme de la justice au Maroc et que des pays européens comme le Royaume-Uni finance des projets de réformes judiciaire dans notre pays ?
Le roi dans son discours du trône, n’a-t-il pas parlé de la nécessité de la réforme de la justice ? Juste pour ça, le ministre de la Justice doit intervenir pour libérer le journaliste où s’il ne peut rien faire démissionner comme ça se passe dans les pays démocratiques.
Pourquoi cette manière expéditive ? Je crois que c’est un nouveau message adressé aux internautes pour quiconque « s’attaque au roi ». La réponse, c’est « on vous passe à la presseuse judiciaire en un temps record sans se soucier de rien». J’espère que des avocats vont se présenter maintenant pour préparer l’appel. S’il n’y a pas d’appel, ça sera une catastrophe pour la justice et la liberté d’expression au Maroc.

- Y a t-il une similitude avec l'affaire Mortada?
Non, pas du tout. Mortada a fait une gaffe en usurpant une identité, mais Mohamed Erraji a exprimé son opinion sur une pratique courante au Maroc. Le seul point en commun, c’est l’usage de l’Internet. J’espère que la vraie similitude sera d’organiser une campagne internationale de défense de Raji similaire à celle de Mortada.

(1)Le centre CMF Mena est un centre destiné à promouvoir l’exercice des libertés de pensée et d’expression dans le monde arabe. Son siège est basé à Casablanca.

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