Malgré la tragique absence du Maroc en Allemagne pour le Mondial 2006, les fans du football marocain ne doivent pas perdre espoir : Khalid Boulahrouz y participera, au sein de l'équipe nationale des Pays-Bas ! Portrait d'un Marocain de talent, inconnu dans son pays, superstar à l'étranger.
Khalid Boulahrouz a un surnom qui en dit long sur sa philosophie du jeu : "le Cannibale" est l'un des défenseurs les plus coriaces de la Bundesliga, première division du championnat allemand de football. Ce surnom, il le doit à une interview dans laquelle il a déclaré vouloir
"dévorer ses adversaires". Comme défenseur central du HSV Hambourg, il a grandement contribué aux récents succès de son club : une troisième place au championnat allemand avec une option pour la Ligue des Champions. Le "Cannibale" a pourtant un autre surnom : Boulah le bulldozer, car il se dit "sans pitié".
Dans cette édition de la Coupe du monde, ce Maroco-néerlandais va défendre l'honneur des Pays-Bas. Un rêve pour tout jeune footballeur comme Boulahrouz qui, malgré ses 24 ans, fait montre d'une grande maturité sur le terrain. Alors que la plupart des jeunes joueurs marocains d'Europe rêvent de rejoindre les Lions de l'Atlas, le jeune Khalid, lui, rêvait de stars néerlandaises tels le buteur Marco van Basten et bien sûr… Ruud Gullit.
De la banlieue de Rotterdam à Hambourg
La vie n'a pourtant pas été rose pour ce garçon qui a grandi à Maassluis, dans la banlieue de Rotterdam. D'une famille de neuf frères et sœurs, il n'a que seize ans lorsqu'il perd son père d'un cancer. Il joue alors en division professionnelle pour les juniors du club AZ Alkmaar après avoir été obligé de quitter le prestigieux Ajax pour sa qualité de jeu qui laissait soi-disant à désirer. "J'ai été cassé par la mort de mon père, plus rien n'avait d'importance à mes yeux", a-t-il expliqué à l'hebdomadaire néerlandais HP-DeTijd, et d'ajouter : "Je ne supportais pas que quelqu'un me fasse des critiques ou des remarques". Le jeune défenseur doit aussi quitter l'AZ.
Boulahrouz comprend enfin qu'il doit saisir sa chance lors d'un match d'essai au sein du modeste - mais non moins professionnel - RKC Waalwijk. Il met de l'ordre dans ses idées: "J'ai appris à communiquer sur la mort de mon père. Je suis devenu plus ouvert ce qui a rendu ma peine plus supportable. Je ne fondais plus en larmes à la simple vue d'un père et d'un fils la main dans la main. Je commençais à devenir honnête : avant, j'avais souvent eu des problèmes à cause de mes mensonges". Le fait de quitter Maassluis a également été bénéfique pour lui. "Loin des amis, loin des filles, je pouvais enfin me concentrer uniquement sur le foot et rien d'autre. Je m'entraînais quotidiennement deux fois plutôt qu'une et finissais mes séances au gymnase", raconte-t-il.
À l'origine, rien ne prédisposait ce jeune au physique relativement modeste (1m75, 75 kg) à jouer comme défenseur dans un championnat aussi disputé que la Bundesliga. Mais sa vitesse, sa force, sa combativité et sa soif de vaincre sont telles qu'elles donnent du fil à retordre aux meilleurs attaquants du championnat allemand. Le "nouveau" Khalid Boulahrouz -qui jure n'avoir jamais bu une goutte d'alcool- se voit ainsi récompensé pour son attitude sur le terrain : après deux saisons concluantes avec le RKC, il a signé en 2004 pour le grand HSV Hambourg.
Zaki l'ignore, Van Basten le sélectionne
Alors que la Fédération royale marocaine l'ignore, Marco van Basten, son héros d'enfance et entraîneur de la sélection des Pays-Bas, lui a demandé d'enfiler le célèbre maillot orange. Pourquoi n'a-t-il pas choisi de jouer pour les Lions de l'Atlas ? La réponse est toute simple : "L'entraîneur du onze national marocain (Baddou Zaki à l'époque) n'a jamais fait appel à moi ; il ne m'a pas été donné de choisir". Il n'empêche que certains Marocains aux Pays-Bas l'ont accusé de "trahir son pays".
Pour mesurer l'erreur de la FRMF, il suffit de considérer la carrière internationale de Boulahrouz. Après la victoire 3-0 sur le Lichtenstein en septembre 2004, le Maroco-néerlandais devient aussitôt l'un des piliers de la défense de l'équipe qui a négocié avec succès les phases éliminatoires de la Coupe du monde. Il a particulièrement brillé lors d'un match amical contre l'équipe d'Angleterre, assurant avec brio le marquage de superstars tels Michael Owen, Wayne Rooney et David Beckham, ne leur laissant aucune chance d'accéder aux filets. Selon la rumeur, même le mythique F.C Barcelone, vainqueur de la Ligue des Champions, lui ferait les yeux doux.
Une star en ballottage
Voilà donc le rêve de Boulahrouz qui devient réalité. Enfin, peut-être. Car même s'il a participé avec l'équipe des Pays-Bas à tous les matchs de qualification pour la Coupe du monde, il s'est retrouvé subitement sur le banc des remplaçants lors des matchs amicaux contre le Cameroun et l'Australie. Certains attribuent cela à ses performances peu convaincantes durant la deuxième moitié de sa saison au HSV mais des bruits courent que cette disgrâce est en fait due à un conflit avec Van Basten lui-même. Connu pour avoir de l'aversion pour les joueurs qui ont des aspirations de stars, le coach n'aurait pas apprécié, il y a quelques semaines, l'arrivée de Boulahrouz à la séance d'entraînement, dans une… Bentley.
Le défenseur de l'équipe orange a vigoureusement réagi à ces allégations : "J'ai toujours rêvé d'avoir une belle voiture, n'ai-je pas le droit d'être heureux d'en avoir une aujourd'hui ? N'ai-je pas travaillé dur pour l'avoir ? Je n'ai pas un comportement de star de cinéma. Vous ne me verrez jamais traîner dans les bars ou les discothèques, ni m'afficher dans les journaux avec des femmes différentes. J'ai une belle voiture et alors !"
Boulahrouz a déjà fait part aux médias de son scénario de rêve pour cette Coupe du monde : une demi-finale contre l'Allemagne à l'AOL-Arena, stade de son club, montrant par là qu'il a déjà pris goût à la rivalité entre ces deux poids lourds du football européen. Par ailleurs, il montre qu'il n'a pas peur de la controverse quand, allant jusqu'au bout de son rêve, il dit : "Juste avant le coup de sifflet final, je marque le but de la victoire. Je cours vers les gradins des supporters allemands, j'enlève mon maillot devant eux et là ils découvrent celui du HSV. Je serais bien curieux de voir leur réaction". Mais encore ? Boulahrouz déclare avec fierté que "les Pays-Bas ont l'une des meilleures équipes du monde" et ajoute : "Je crois que les Pays-Bas peuvent devenir champions du monde !" N'est-ce pas là un motif d'enthousiasme pour les fans du football marocain ?
Comparaison. Un dangereux précédent
Khalid Boulahrouz n'est pas le premier Marocain a avoir joué pour l'équipe nationale des Pays-Bas. Avant lui, Driss Bousatta a déjà endossé le maillot orange à trois reprises mais Boulahrouz sera le tout premier en Coupe du Monde. Il n’a pas eu à choisir entre ses deux patries, jouer pour le Maroc n'a donc jamais été une option pour lui. Toutefois, d'autres joueurs maroco-néerlandais (quoique moins talentueux que le Cannibale) ont choisi d'évoluer aux côtés des Lions de l'Atlas tels Ali Boussaboun, Saïd Boutahar ou Nourdin Boukhari.
Le cas Boulahrouz devrait inquiéter sérieusement la FRMF. En effet, deux autres footballeurs marocains extrêmement doués semblent suivre ses pas : Ibrahim Affelay (20 ans) et Ismaïl Aisatti (17 ans), milieux de terrain au PSV Eindhoven. Malgré son jeune âge, Aisatti figure parmi les titulaires du club. Le jeune Ismaïl auquel on prédit un avenir des plus radieux, compte parmi les meilleurs joueurs néerlandais de moins de 21 ans. Or l'équipe nationale néerlandaise a gagné le championnat d'Europe dans cette catégorie.
Cependant rien n'est encore tout à fait perdu. Même si Affelay et Aisatti ont joué pour l'équipe orange, un règlement de la FIFA stipule que les joueurs qui n'ont évolué que dans l'équipe espoir ont le droit de jouer pour leurs équipes nationales d'origine. Ainsi par exemple, la jeune star maroco-néerlandaise du AA Gand, Mbark Bousouffa (22 ans) -qui a qui a été élu cette année meilleur joueur du championnat belge- a décidé de rejoindre les Lions de l'Atlas.
Bio express.
1981. Naissance le 28 décembre à Maassluis (Pays-Bas)
Avant 2001. Joueur espoir à Excelsior Maassluis, Ajax Amsterdam, Haarlem et AZ Alkmaar.
2001-2004. Joueur professionnel à RKC Waalwijk
2004. Signe pour le HSV Hambourg et fait ses débuts dans la sélection néerlandaise contre le Liechtenstein (3-0)
2006. 2 sélections en équipe nationale des Pays-Bas.
Bart Schut
Source: TelQuel