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Fabien Barthez, un crachat vite nettoyé

Pour avoir craché sur un arbitre, le gardien de but de l'équipe de France et de l'Olympique de Marseille s'en tire avec trois mois de suspension • Quand la sanction minimale prévue est de six mois •

On ne dira jamais assez combien rendre la justice est l'art délicat et subtil de tirer le fil de la vérité de l'écheveau des apparences. Ainsi donc Fabien Barthez, dit Fabulous Fab, dit le divin chauve, champion du monde et d'Europe avec les Bleus, gardien de but du club le plus médiatique de France, et qu'à ces multiples titres, la naïveté nous incitait à croire qu'il représentait un modèle pour les mômes, Fabien Barthez donc, cracha il y a peu sur un arbitre à l'occasion d'un match amical qui tourna vinaigre entre l'Olympique de Marseille et le Wydad Casablanca. Il y eut crachat. L'arbitre en témoigna. Des images de télévision l'attestèrent. Et Barthez lui-même n'en disconvint pas, qui refusant de regretter et de s'excuser, justifia même son geste, arguant que sa masculinité et les attributs qui vont avec lui avaient interdit de ne point réagir aux provocations de l'homme en noir.

Pour ces faits, le gardien international comparaissait jeudi devant la commission de discipline de la Fédération française de football. Selon les textes, la sanction pour crachat sur un officiel est au minimum de six mois incompressible – on vit même, en 1991, un joueur yougoslave écoper d'un an de suspension pour des faits similaires, toutefois commis lors d'un match officiel. Compte tenu des faits, avérés et non contestés, la logique semblait commander que s'applique cette sanction minimale. Mais non, Barthez n'a pris que trois mois ferme et trois avec sursis. Il faut dire qu'en cas de sanction supérieure, l'intéressé avait plus ou moins menacé de mettre un terme à sa carrière. Et alors? Alors, il aurait déserté les cages de l'équipe de France au moment où celle-ci s'apprête à jouer (à l'automne) des matchs cruciaux en vue de sa qualification pour le Mondial 2006. Il en allait donc de l'intérêt supérieur de la nation. Barthez évite le pire, et l'équipe de France avec lui. Ses trois mois purgés, durant lesquels il ne manquera que quatre matchs de l'OM, Barthez pourra garder les buts bleus dès septembre.

Comment a-t-il échappé à la sanction la plus lourde? C'est là qu'il faut louer la sagesse des membres de la commision de discipline de la Fédération, dignes héritiers de Saint-Louis sous son chêne. Car ils ont vu, eux, que si Barthez avait bien craché, il n'avait pas craché au visage. Et que la faute était donc vénielle. Il faut donc admettre que ce 12 février, sur le stade de Casablanca, dans une ambiance pourrie, Fabien Barthez, que l'on ignorait diplômé en balistique des fluides, a pris le temps de mesurer la vitesse et le sens du vent, le taux d'humidité dans l'air et la densité de sa salive avant d'expectorer en direction de l'arbitre. Ce talent lui valait bien l'indulgence du jury.

De cette vaste opération foutage de gueule, espérons au moins une chose. Qu'elle incite tous les partisans de l'utilisation de la vidéo sur les terrains de foot, au prétexte que les arbitres sont trop mauvais ou pourris – et allez vous étonner après qu'on leur crache dessus– à méditer sur la vérité relative des images. Qui ont réussi à faire passer pour un vilain molard à la gueule un anodin postillon au plastron.

Gilles DHERS
Source : Liberation.fr

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