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Visite des journalistes africains à Melilla

C’est une véritable offensive communicationnelle que les autorités marocaines, sur instruction du Roi Mohamed VI, ont organisée depuis le jeudi dernier. L’objectif décliné est de rectifier les informations jugées souvent exagérées et délibérément dramatisées par les médias occidentaux, suite aux «dérapages» consécutifs aux assauts sous la forme d’une expédition kamikaze par des milliers d’immigrés clandestins venus de l’Afrique subsaharienne, mais aussi de quelques pays asiatiques. Une visite a été organisée, hier, pour les journalistes, par les autorités du royaume chérifien à Melilla, à la frontière maroco-espagnole, lieu du drame. Reportage…

En cette matinée marquée par l’ardeur du soleil qui tente de dissiper les dernières velléités de la fraîcheur de la nuit, ils sont environ une trentaine de journalistes africains, à prendre un vol par avion, de 48 minutes, pour voir de plus près le terrain qui a été le théâtre du drame vécu par les immigrés clandestins en provenance, pour la plupart, de l’Afrique de l’Ouest.

Du hublot, le regard est d’abord saisi par l’étendue des montagnes qui forment des forteresses naturelles alignées et parsemées d’îlots de forêts denses que les candidats à l’immigration ont pourtant réussi à franchir avec la complicité établie de chefs de filières mafieuses vivant de ce nouveau commerce éhonté. On mesure déjà, en surplombant cet espace terrestre, tout le calvaire vécu par ces milliers de candidats à l’immigration qui ont emprunté, des mois durant, ce véritable chemin de croix. Sénégal. Mali. Burkina. Traversée du désert du Sahara. Algérie, par les villes de Oujda, Barkane. Avant d’atterrir à la province de Melilla, séparée seulement de l’Espagne par une frontière de barbelés.

Après 48 minutes de vol, l’avion se pose sur l’aéroport de Nador, dans le littoral de la mer Méditerranée, qui s’étale sur une longueur de plus de 180 km et qui est caractérisée par un relief extrêmement accidenté. De Nador, un bus conduit les passagers vers Melilla, une ville sous les rampes médiatiques depuis les assauts des immigrés clandestins qui se sont soldés par environ une dizaine de morts. Des morts, victimes sans doute des balles des gardes-frontière espagnoles, mais aussi des dérapages reconnus par les autorités marocaines face à une concentration subite jamais enregistrée auparavant d’immigrés clandestins décidés à ne pas revivre dans la désespérance sociale de leurs pays d’origine et qui voient le mirage de l’El dorado européen s’effondrer à quelque 14 km seulement.

En route, à bord d’un bus, on mesure effectivement toute l’hostilité de ces reliefs accidentés. La route est un tracé d’asphalte qui descend et remonte, se courbe et se redresse dangereusement à travers les montagnes séparées entre elles par des forêts luxuriantes. C’est au milieu de ces frayeurs que le bus traverse la partie marocaine de Melilla. De loin, sur le haut d’une montagne, on aperçoit déjà, mais avec peine quand même, le commencement du rideau de fer frontalier séparant Melillia en deux parties. La Melilla qui mène aux prétendus pays de Cocagne de l’Europe a été annexée par l’Espagne. Et depuis, le Maroc se bat pour retrouver son morceau annexé.

Un peu au-delà de Melilla, le bus bifurque à gauche. Péniblement d’ailleurs, du fait d’une forêt dense. C’est dans cette forêt que des centaines et des centaines d’immigrés clandestins africains et quelques asiatiques se sont parqués. A travers les arbres touffus, on aperçoit encore les vestiges de leur passage mouvementé : des sacs en plastique, des bidons d’eaux et autres rebuts qu’ils n’ont pu emporter avec eux, non pas au pays de Cocagne, mais vers ceux de leur désespérance, de leur origine.

Au bout de cette forêt, on débouche enfin sur la partie de la frontière par où les immigrés clandestins s’étaient massés pour prendre d’assaut la frontière qui s’oppose à leur rêve européen, qui est maintenant à vol d’oiseau. La frontière est constituée de deux murailles de barbelés farouchement surveillés, côté espagnole, par la Guardia civile. A travers les mailles de barbelés, on voit les Forces de sécurité espagnole solidement armées. La frontière barbelée s’étend sur 12 km. La première barrière est d’environ 3 m 50 de hauteur et la deuxième a été surélevée à 6 mètres. Du côté marocain, la Croix rouge a été mobilisée, des tentes érigées pour les sapeurs pompiers et les Forces auxiliaires.

Nous sommes là. Enfin face à la réalité. Abrupte. Brute. C’est là que la fuite devant la désespérance sociale des milliers de jeunes africains s’est heurtée à l’impossible réalisation d’un rêve nourri, alimenté par une Mafia manifestement bien structurée qui, pour reprendre le propos du Gouverneur marocain de la province de Nador, «apprivoise» mieux que les Forces de l’ordre les routes de l’immigration clandestine. A quelques mètres, au-delà des fils barbelés, le minaret d’une mosquée. A Melilla. En territoire espagnol. Que des milliers de jeunes africains, victimes du mirage, de la pauvreté, n’ont sans doute vu que comme «l’éclair d’un aigle»


Soro DIOP
Source: Le Quotidien (Sénégal)

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