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Le Conseil du culte musulman s'ensable dans ses courants

Occasions manquées, blocages, querelles intestines... Le CFCM patine.

«Ras le bol, bis repetita, on reprend le même bureau, sauf qu'il est plus dégradé...» La réunion de rentrée du bureau du Conseil français du culte musulman (CFCM), ce matin, la première depuis sa réélection en juin, suscite le désenchantement chez certains responsables musulmans. Miné par ses divisions, le CFCM s'est montré incapable pendant sa précédente mandature ­ de 2003 à 2005 ­ de faire entendre la voix des musulmans de France. Un silence regrettable à l'heure où l'islam est montré du doigt suite aux attentats de Londres et où Nicolas Sarkozy multiplie les déclarations musclées contre l'islamisme radical, au risque de stigmatiser l'ensemble des musulmans.

L'avenir du CFCM s'annonce tout aussi porteur de désunion. Hier, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans) laissait planer le doute sur sa participation à la réunion d'aujourd'hui. Elle ne digère pas les résultats des élections de juin qui l'ont vue arriver derrière la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF, proche du Maroc), à égalité avec la Mosquée de Paris (proche de l'Algérie). La FNMF, en revanche, y participera, mais depuis la révolution de palais qui a vu le renversement de son ancien président, Mohamed Béchari, elle souffre d'un manque de leadership. Et l'inconnue ne sera levée que fin septembre.

Du côté du gouvernement, qui jusqu'ici cornaquait étroitement l'instance musulmane, on sent un certain désinvestissement. «On a le sentiment qu'aujourd'hui le CFCM n'apporte d'avantages politiques à personne», constate un responsable musulman qui tient à garder l'anonymat. «Nous aurions pu entrer dans le jeu électoral, mais il aurait fallu pour cela que nous soyons capables de mobiliser la communauté musulmane, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, le CFCM jouant au contraire un rôle de repoussoir auprès des jeunes. A chaque fois qu'une institution nous sollicite, on est incapables de répondre. Le ministère de la Défense nous avait suppliés de désigner un candidat comme aumônier militaire. Ils avaient besoin d'un nom avant le 15 août pour pouvoir le former afin de mettre en place l'aumônerie militaire en janvier 2006, rien. Dès qu'on avance un nom, c'est des disputes sans fin.»

Selon ce même responsable, les agents du ministère de l'Intérieur auraient reçu la consigne de ne pas se mêler de l'élection des bureaux des conseils régionaux du culte musulman (CRCM), qui ont suivi celle du CFCM. L'impact médiatique étant moindre, le bénéfice politique le serait aussi. Résultat, dans trois grandes régions, au moins, la bataille se poursuit. Les directions sortantes des CRCM Provence-Alpes-Côte d'Azur (indépendante, tendance fondamentaliste) et Rhône-Alpes (Mosquée de Paris), respectivement battues par la Mosquée de Paris et l'UOIF, ont déposé des recours devant les tribunaux. Hier, le juge des référés de Marseille s'est déclaré incompétent. Celui de Lyon rendra sa décision le 12 septembre. Dans le Nord-Pas-de-Calais, la désignation du nouveau bureau n'aura lieu que le 17 septembre.

Au ministère de l'Intérieur, la rentrée du bureau du CFCM suscite un certain fatalisme. Didier Leschi, chef du bureau des cultes, parle d'ailleurs d'une «fausse rentrée». Le 4 octobre, en effet, le CFCM va interrompre ses activités, d'abord pour cause de ramadan, puis de pèlerinage à La Mecque. Reprise prévue à la mi-novembre. A cette date, l'instance musulmane retrouvera une pile de dossiers en panne.

Ainsi, la création d'une fondation pour les oeuvres de l'islam, censée réguler les flux financiers venus de l'étranger. C'était le projet de Villepin lors de son passage au ministère de l'Intérieur, Sarkozy en a hérité. Côté administratif, le dossier suit son petit bonhomme de chemin. Le 31 mai, le Conseil d'Etat a rendu un avis favorable. Reste maintenant à désigner les personnalités la composant : «Sans injonction, on n'y arrivera jamais, poursuit le responsable musulman. Sarkozy était le seul à avoir vraiment compris comment fonctionner avec nous, il nous réunissait autour d'une table, jouait le copain, menaçait en rappelant qu'il avait des dossiers sur tel ou tel d'entre nous. Résultat : en deux jours, c'était fait. Là, Sarkozy va tout faire pour effacer ce qui a été fait par Villepin. Villepin va tout faire pour continuer son oeuvre...»

L'autre dossier dont Villepin et Sarkozy ont fait tous deux leur priorité est celui de la formation des imams. L'objectif étant de limiter le recours à des imams étrangers potentiellement radicaux. La partie théologique de cette formation sera confiée aux associations musulmanes, la partie profane (droit, éducation civique, initiation aux institutions françaises) étant placée sous la responsabilité des universités. Paris-IV s'était porté volontaire mais le Conseil des études et de la vie universitaire qui instruit les dossiers de nouvelles filières a voté contre «sous prétexte de laïcité». «Et c'est une décision irrévocable», précise Jean-Robert Pitte, président de cette université. A défaut, Paris-IV a fait d'autres propositions: «Accueillir les futurs imams dans des diplômes normaux de la Sorbonne, envoyer, sur contrat, nos enseignants sur les sites de formation musulmans pour y délivrer des cours de laïcité ou offrir des enseignements dans un cadre associatif.» Ces deux dernières propositions ne seraient pas sanctionnées par un diplôme et ne garantiraient pas aux futurs imams le statut d'étudiant et les avantages en découlant, dont un permis de séjour. Transmises à Dalil Boubakeur dans le courant de l'été, elles n'ont reçu, pour l'heure, aucune réponse.

Source: Libération

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