Menu

CFCM : les organisations en guerre avant la réélection

Chaque camp fait pression sur les mosquées avant le vote du 19 juin.

la réélection du Conseil français du culte musulman (CFCM) le 19 juin promet d'être chaude. En avril 2003, la première désignation de cette toute jeune instance avait suscité une belle bataille. Pourtant, comparée à celle qui s'annonce, il ne s'agissait que d'un tour de chauffe. Vendredi, à deux heures du matin, la commission électorale a validé la liste des mosquées autorisées à participer au scrutin. Et a arrêté le nombre de délégués électeurs par lieu de culte. En effet, en fonction de sa surface, chaque mosquée se voit attribuer un certain nombre de votants. Résultat : 5 232 délégués représentant 1 221 lieux de culte éliront le prochain CFCM. Une participation en augmentation par rapport à 2003 : 4 042 délégués représentant 992 mosquées avaient alors voté.

«Porte-à-porte». Toutefois, ces lieux de culte supplémentaires ne sont pas des bâtiments neufs sortis de terre depuis 2003. La plupart n'avaient pas pu ou pas voulu participer à la première élection. S'ils ont changé d'avis, c'est sans doute parce que le Conseil français du culte musulman, comme ses instances régionales, les CRCM, ont acquis une certaine légitimité. «Aujourd'hui, le CRCM Alsace est devenu un interlocuteur incontournable pour les élus, les autres religions et les présidents d'associations musulmanes locales», affirme Abdelhaq Nabaoui, son président. Mais cette augmentation résulte également des pressions que les grandes organisations musulmanes (Fédération nationale des musulmans de France ­ FNMF ­, Mosquée de Paris et Union des organisations islamiques de France ­ UOIF), comme les consulats d'Algérie et du Maroc, ont fait peser sur les gestionnaires de ces lieux de culte pour qu'ils participent au scrutin. Désormais, tous voient en effet dans les résultats de cette élection un test de représentativité. Et le moyen de mettre la main sur l'islam de France.

Là où les choses se compliquent c'est que la Mosquée de Paris et la FNMF sont directement liées, la première à l'Algérie, la seconde au Maroc, l'UOIF affirmant être la seule à réellement incarner l'islam de France. Du coup, les deux pays du Maghreb n'ont pas ménagé leurs efforts pour rallier les mosquées sous la bannière de l'une ou l'autre de ces associations. «Le consul d'Algérie a pratiquement fait du porte-à-porte dans les mosquées», rapporte un président de CRCM. «Les consulats ont organisé des réunions dans leurs locaux, et déclaré aux responsables des mosquées : "Soit tu es avec nous, soit tu es contre nous"», raconte un autre.

«Relais dociles». Pour l'UOIF, cette mobilisation des pays d'origine est une menace. Signe de son inquiétude, elle publie sur son site internet (1) une Lettre aux responsables des mosquées de France à l'occasion des prochaines élections du CFCM et des CRCM dans laquelle elle les appelle à voter «en dehors de toute considération basée sur l'origine ethnique ou nationale». Et elle peut se sentir d'autant plus menacée que l'Algérie et le Maroc ont favorisé, à la tête de la Mosquée de Paris et de la FNMF, l'émergence d'une nouvelle génération de cadres, plus jeunes, plus cultivés et décidés à en découdre. A contrario, l'UOIF, qui était jusque-là beaucoup mieux implantée sur le terrain que ses rivales, grâce à un intense travail militant, «n'a pas réussi à faire émerger une génération alternative au niveau des cadres dirigeants», observe Franck Frégosi, chercheur au CNRS. Pire, Yamin Makri, porte-parole du Collectif des musulmans de France, groupement de jeunesse proche de Tariq Ramadan, n'hésite plus à attaquer frontalement l'UOIF, qualifiant, sur le site oumma.com, ses dirigeants de «nouveaux notables musulmans de la République», et de «relais dociles des pouvoirs institutionnels».

L'UOIF est-elle réellement menacée ? En 2003, elle était arrivée en deuxième position derrière la FNMF, qui avait bénéficié du soutien actif de l'ambassade du Maroc. A l'époque, l'UOIF avait réussi un coup de maître, passant une série d'alliances avec d'autres fédérations, turques ou africaines. Cette fois, «il y a un éclatement des listes avec beaucoup de mosquées indépendantes qui ne rouleraient pas pour l'UOIF», analyse Franck Frégosi.

Pour l'heure, Nicolas Sarkozy ne s'est pas impliqué dans le processus électoral. Si un clash menaçait, sans doute serait-il contraint de mettre les mains dans le cambouis, ne pouvant laisser imploser un outil qu'il a lui-même accouché aux forceps lors de son premier passage au ministère de l'Intérieur, et dont il a maintes fois porté la création à son crédit.

Source: Libération

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com