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Maroc: Une association pour lutter contre le calvaire des personnes handicapées

Vivre aujourd’hui au Maroc avec un handicap est une chose extrêmement difficile et douloureuse. Les personnes en situation d’handicap sont totalement marginalisées et souvent privées de leurs droits essentiels à l’enseignement, à l’emploi et tout simplement à la dignité. Le handicap est souvent perçu comme une malédiction et une honte. Mais un groupe de parents d’enfants handicapés et de personnes sensibles aux problèmes engendrés par le handicap disent non à tout cela et ont créé il y a plusieurs semaines l’AMPAJH, l’Association Marocaine de Lutte Pour Adultes et Jeunes Handicapés. Une association pour lutter contre les discriminations au quotidien et assurer une vie digne aux personnes handicapées tant sur le plan humain que matériel.

L’AMPAJH est présidée par le jeune Omar Koussih, âgé de 18 ans (voir photo). Sa mère Faouzia Gharbaoui Koussih nous raconte dans cette interview son quotidien avec un enfant en situation d’handicap.

Yabiladi : De quoi souffre votre fils Omar ?

Faouzia Gharbaoui Koussih : Omar est atteint d’une forme sévère d’amyotrophie spinale. C’est une maladie neurologique d’origine génétique qui se traduit par la dégénérescence des motoneurones c'est-à-dire des cellules nerveuses qui agissent sur le mouvement. Le cerveau fonctionne, il émet la commande mais les muscles ne la reçoivent pas. Faute de mouvement, ils s’affaiblissent et des rétractions apparaissent aux différentes articulations. La déformation la plus grave est celle de la colonne vertébrale qui se tord en vrille provoquant douleurs et surtout entraînant une insuffisance respiratoire car les poumons sont oppressés et ne peuvent s’ouvrir normalement. Omar a donc en plus de son problème moteur, une insuffisance respiratoire importante et une hernie hiatale. A côté il y a des troubles de mastication et de déglutition, des problèmes de circulation sanguine, des problèmes dentaires avec notamment des difficultés de pouvoir soigner les dents car la bouche ne s’ouvre pas assez

Racontez-nous en détail votre vie au quotidien avec un enfant handicapé.

Notre vie n’est pas facile mais on s’y est adapté. On se heurte à des obstacles tout au long de la journée et pour le moindre geste. Difficultés pour manger, pour respirer, pour aller aux toilettes, pour se laver les dents, pour se couper les ongles, pour s’asseoir confortablement, chose quasi impossible et enfin pour dormir confortablement. Ensuite pour sortir c’est toute une histoire ! Il faut disposer d’un véhicule pouvant prendre le fauteuil, ce qui n’est pas évident. Si vous ne disposez pas de transport personnel, il n y a aucune chance de prendre les transports en commun. Si vous avez par chance un fauteuil électrique, vous ne pouvez pas l’utiliser à l’extérieur car vous ne pouvez pas passer les trottoirs qui sont très hauts. Vous devez circuler sur la chaussée et être en permanence exposé à un accident. De plus si votre fauteuil tombe en panne, il n’y a personne pour le réparer. Vous devez impérativement rester en fauteuil manuel, ce qui réduit considérablement votre autonomie et vous frustre dans votre envie d’indépendance. Du coup il vous faut un accompagnateur, vous devez constamment le solliciter pour tous vos gestes et bien sûr dépendre de son bon vouloir. A mon avis, seuls les parents peuvent supporter cette contrainte et agissent avec amour. Notre enfant étant vulnérable, il est très difficile de passer la main à quelqu’un d’autre sauf quand c’est occasionnel. Notre vie quotidienne est centrée autour d’Omar. Il en est le pivot.

Les exemples de discrimination sont nombreux : pas moyen d’accéder à la Cité, aux loisirs, aux salles de cinéma , au théâtre , à la plage etc.. Mais le plus grave c’est l’école qui vous est fermée, l’emploi duquel vous êtes évincé et la vie tout court dont vous êtes exclu.

De quoi ont besoin les handicapés aujourd’hui au Maroc ? Qu'est-ce que le gouvernement peut et doit faire pour améliorer leur vie ?

A ce jour ils ont besoin de tout ! En particulier de revenus réguliers qui leur permettraient une vie décente. On a besoin aussi d’accessibilité pour tous, accessibilité à des soins spécifiques et personnalisés. Les enfants ont besoin de sièges coquilles pour le bon maintien de la colonne vertébrale, on a besoin de la généralisation et la gratuité de aides techniques respiratoires, de la création de centres de soins comme de kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité, psychologie, orthophonistes et techniques de réparation des appareillages etc. Ils doivent se trouver à proximité des écoles et dans des endroits accessibles. Il faut généraliser l’aide humaine, former des auxiliaires de vie. Les parents n’en seront que plus soulagés et pourraient se déconnecter et respirer de temps en temps.

Je trouve intolérable que des personnes en situation de handicap soient obligées de mendier pour survivre. J’en ai assez de voir des mamans complétement démunies faire des kilomètres à pied, un enfant, même adolescent, sur le dos pour faire une séance de kinésithérapie à l’hôpital.

J’en ai assez de voir des jeunes exclus du système scolaire pour cause d’handicap. Il existe certes des AVS au Maroc mais vous devez la payer au SMIC pour les heures de classe soit autour de 2000 DH. Qui en a les moyens ? Surtout qu’à côté vous avez des frais inhérents à la maladie. A titre d’exemple, un matelas en mousse à mémoire de forme coûte 3500 DH, un fauteuil manuel roulant confort environ 15000 DH et la location du matériel respiratoire entre 1200 et 1800 DH selon le matériel.

Quel est le regard des gens ?

Les gens ont un regard de pitié. Il faut travailler la perception qu’à la société de la personne handicapée. Vous vous imaginez, un médecin de renom m’a même conseillé de trouver une personne âgée de préférence, douce et gentille pour s’occuper de mon fils, qui ne ferait jamais rien de sa vie, et qui sera un boulet à mes pieds !

Aujourd’hui mon fils Omar m’épate. Je suis fière de sa détermination et de son engagement. C’est mon fils, je l ‘aime ! C’est un poète qui a un talent admirable, hamdoullah qu’il ait pu donner un sens à sa vie et aussi à a mienne. Je lui en suis reconnaissante.

Pour contacter l'AMPAJH
email : [email protected] ; GSM : (212) 661 77 39 51

Reportage sur Omar Koussih et ses parents qui a été diffusé sur la Chaîne Parlementaire Assemblée Nationale



Farida Lamrani
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