Drôle de cadeau en ce mois de ramadan pour les musulmans de Belgique. Une proposition de loi est sur le point d’être déposée devant les parlementaires portant sur « la généralisation de la prohibition du voile intégral (la burqa) dans tout le Royaume » belge. C’est une information reprise aujourd’hui par le quotidien Français Le Figaro.
La France s’y était déjà mis et cela avait secoué l’Hexagone en juin dernier. La Belgique - comme si le voisinage devenait contaminant du coup - va sans doute également se livrer à la chasse aux burqas. Le texte, qui est encore en gestation, vise l’interdiction du port de la burqa sur la voie publique. Il a été conçu et proposé par le Parti libéral belge francophone, le Mouvement réformateur (MR). Interpellé par nos confrères du Figaro à ce sujet, Christine Defraigne, le leader du groupe MR au sénat, affirme qu’il s’agit d’un problème de « sécurité publique et de respect des valeurs fondatrices de notre société ». Et cette future interdiction, si jamais le texte est adopté, imposera des sanctions, allant d’une amende de 15 à 25 euros à une peine d’emprisonnement, à toute personne « dissimulant son visage au point de ne pouvoir être identifiée ».
Une islamophobie affichée à nu ? Loin de là, si on en croit la sénatrice du MR. En effet, se basant sur l’argument selon lequel le port du burqa serait « une dérive intégriste » et dont l’obligation ne serait pas mentionnée dans le Coran, Christine Defraigne pense qu’ « on ne peut pas accepter sans réagir que des femmes soient asservies dans notre société ».
Une société qui compte 350 000 à 400 000 âmes musulmanes et dont – uniquement - 200 femmes portent le burqa. Un projet de loi pour un phénomène qui passe presque inaperçu : y’a-t-il vraiment de quoi prendre une mesure aussi importante qu’une législation ? C’est justement la question qui taraude Edouard Delruelle, directeur du Centre pour l’égalité des chances, qui juge le projet de loi « disproportionné » par rapport à la taille du phénomène. Dans la région bruxelloise, par exemple, une étude de la revue scientifique Brussels Studies a montré qu’un très faible nombre de femmes musulmanes porteraient le burqa, sur une communauté qui représente près d’un tiers de la population. Des textes d’interdiction du port de la burqa sont d’ailleurs déjà en application dans plusieurs communes belges.
Disproportionnée ou pas, cette proposition vise directement les musulmans de Belgique. La communauté réunissant ces derniers a bien compris cela, se sentant touchée dans ce qu’elle a de plus cher et de plus traditionnel en elle. En effet, elle affiche d’ores et déjà dans sa plus grande majorité, son mécontentement et désapprobation face à cette future loi.
Edouard Delruelle revient dans les pages du Figaro pour manifester sa crainte face à ce qu’il appelle «les généralisations hâtives ». « Il faut éviter l’amalgame qui dit que le foulard est le début de la burqa et la burqa le début des bombes ». En effet, ce projet de loi sonne beaucoup comme une façon – voilée – de lutter contre l’extrémisme religieux islamiste sur le territoire belge. Une thèse qui semble se confirmer si on sait que le port du voile partiel – le foulard – a déjà été interdit dans plusieurs établissements scolaires de la ville d’Anvers, par exemple.
Les musulmans de Belgique reçoivent cette proposition de loi comme une datte pimentée, à l’occasion de ce mois de ramadan. Le MR, présidé par Didier Reynders, occupe 23 sièges sur 150 à la Chambre des représentants belge et 11 sièges sur les 71 du sénat. Le devenir de cette loi en gestation reste tout à fait incertain, même si certains observateurs de la scène politique belge voient déjà son adoption se réaliser.
Safall Fall
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